Depuis 2016, la Cameroon Development Corporation (CDC) fait face à une crise sans précédent. Entre impacts sécuritaires, arriérés de salaires, et dette colossale, l’entreprise peine à se redresser malgré un plan d’apurement en cours. Le moral des employés est au plus bas, menaçant les maigres performances encore réalisées.
Deuxième employeur du Cameroun après l’État, la Cameroon Development Corporation (CDC), spécialisée dans la production, la transformation et la commercialisation de cultures d’exportation comme la banane, l’huile de palme et le caoutchouc, traverse une crise financière alarmante. En cinq ans, l’entreprise a accumulé une dette colossale de 81,7 milliards de Fcfa. Celle-ci se répartit entre une dette fiscale de 31 milliards de Fcfa, une dette sociale envers la Caisse nationale de prévoyance sociale (24 milliards de Fcfa) et une dette salariale estimée à 35,7 milliards de Fcfa.
Cette situation découle principalement de la crise sécuritaire qui sévit dans les régions anglophones depuis 2016. Les activités de la CDC ont été régulièrement suspendues, fragilisant ses finances. Malgré une amélioration récente de la situation sécuritaire, la dette salariale de 55 mois d’arriérés plonge les employés dans un profond désarroi
Une chute dramatique des performances
Avant la crise, la CDC affichait des performances solides. Elle comptait plus de 20 000 employés et générait des revenus annuels de 55 milliards de Fcfa grâce à l’exportation de produits agricoles. Mais la situation s’est détériorée. Le nombre d’employés a chuté à environ 13 000, soit une baisse de 35 %, tandis que les revenus ont dégringolé à 20 milliards de Fcfa en 2024, accusant une perte de 63,6 %. Quant aux exportations, elles sont passées de 71 789 tonnes en 2015 à seulement 24 216 tonnes en 2024, marquant une chute de 66 %. Ces contre-performances illustrent l’ampleur des difficultés auxquelles fait face cette entreprise publique âgée de 77 ans.
Un plan de redressement au ralenti
En septembre 2022, le Premier ministre camerounais a instruit l’élaboration d’un plan de redressement pour apurer les dettes salariales et relancer la CDC. Le plan prévoit le paiement des arriérés en deux tranches : 20 milliards de Fcfa en 2024 et 15,7 milliards de Fcfa en 2025. Cependant, le décaissement des fonds reste suspendu à des négociations interminables entre l’État et les banques partenaires. Initialement, NFC Bank avait été sélectionnée pour gérer les paiements, mais sa restructuration en cours l’a disqualifiée. Actuellement, trois banques, FedhEn Capital, Société Générale Cameroun, et NFC Bank, sont en lice pour exécuter le projet. Selon des sources internes, Société Générale Cameroun a soumis une proposition à sa maison mère en France, et une décision est attendue dans les prochains jours.
Les employés en colère, la grève menace
Malgré les promesses de paiement, la lenteur des négociations a aggravé le mécontentement des employés. En 2022, ils dénonçaient déjà 28 mois d’arriérés de salaires. Ce chiffre a presque doublé pour atteindre 55 mois en 2024, selon les revendications actuelles. Face à cette situation, une nouvelle grève plane, menaçant de paralyser les maigres activités encore fonctionnelles de la CDC.
La CDC, autrefois pilier de l’économie camerounaise, est aujourd’hui une entreprise en sursis. Si l’État ne parvient pas à concrétiser rapidement le plan de redressement, la situation pourrait s’aggraver davantage, compromettant la survie de ce géant agro-industriel. Plus qu’un enjeu économique, c’est une question sociale et stratégique pour le Cameroun.