Face à l’état critique des infrastructures routières, le président camerounais Paul Biya exhorte de nouveau son gouvernement à accélérer le désenclavement des bassins de production agricole. Dans un contexte de renforcement de la politique d’import-substitution pour 2024-2026, l’accès aux zones agricoles devient crucial pour garantir l’approvisionnement des marchés et la compétitivité nationale.
Alors que le Cameroun entre dans une nouvelle phase de son plan triennal d’import-substitution (2024-2026), les infrastructures de transport apparaissent comme un enjeu majeur pour le succès de cette politique. Une récente enquête menée par le ministère de l’Économie auprès des chefs d’entreprises a révélé que 92 % d’entre eux estiment l’état des routes « mauvais », un constat qui compromet sérieusement le développement des zones de production agricole. Paul Biya, dans une directive budgétaire pour 2025, insiste sur l’amélioration des routes reliant ces bassins aux principaux centres urbains et industriels, rappelant à son gouvernement l’impératif de moderniser les infrastructures pour réduire les importations et garantir la souveraineté alimentaire.
Selon le ministère des Travaux publics, le réseau routier camerounais se dégrade : le pourcentage de routes en mauvais état est passé de 69,28 % à fin décembre 2023 à 71,07 % en juillet 2024, soit 1,8 % de détérioration en sept mois. Sur un total de 121 873 km de routes, plus de 86 500 km sont en mauvais état. Ce réseau défaillant rend difficile l’acheminement des produits agricoles vers les grandes villes, contribuant à une hausse des coûts de transport et une stagnation des revenus des producteurs. À Garoua-Boulai, une commune de l’Est à la frontière avec la République centrafricaine, l’igname et le maïs, produits majeurs de la région, peinent à atteindre Bertoua en raison des conditions de la route et des coûts élevés de transport.
La saison pluvieuse accentue les difficultés d’accès aux zones rurales, comme dans l’Extrême-Nord, le Centre et le Sud du pays, où les routes deviennent souvent impraticables. Les zones de production de l’Ouest, par exemple, voient leurs projets d’aménagement de bassins, débutés il y a plusieurs années, retardés ou interrompus, pénalisant les agriculteurs et les commerçants. Le ministère des Travaux publics évoque un manque de financement pour justifier ces retards, mais le gouvernement explore désormais des solutions comme la construction d’une usine de bitume, envisagée dans le cadre du Plan d’impulsion initiale (P2I), pour réduire les coûts de revêtement.
Le rapport d’exécution de l’import-substitution, annexé à la loi de finances 2024, estime qu’il faudrait 217,79 milliards de FCFA pour désenclaver les routes communales dans les dix régions du Cameroun. Avec seulement deux mois avant la clôture de cet exercice budgétaire, le pays est encore loin d’avoir atteint cet objectif. Le défi consiste donc à accélérer la mobilisation des fonds nécessaires pour moderniser les routes rurales et soutenir le secteur agricole. Le désenclavement de ces zones reste un défi stratégique pour le Cameroun, visant à réduire la dépendance alimentaire, améliorer la compétitivité nationale et assurer la sécurité alimentaire.
En réitérant son appel à désenclaver les bassins agricoles, Paul Biya met en lumière les défis structurels auxquels le Cameroun est confronté. Si le pays souhaite réussir son plan d’import-substitution et assurer une croissance durable, les infrastructures de transport doivent impérativement être modernisées pour garantir un accès fluide aux marchés. Le succès de cette politique repose sur la capacité de l’État à mobiliser des financements suffisants pour répondre aux besoins des zones de production et soutenir le développement rural.