Le conflit autour de la parcelle de 4 hectares située à Bastos, un quartier chic de Yaoundé, connaît un nouveau tournant. Le ministre des Domaines et des Affaires foncières, Henri Eyébé Ayissi, revient sur sa décision de suspendre la rétrocession du terrain aux familles autochtones, relançant ainsi les hostilités entre l’État du Cameroun et British American Tobacco (BAT).
Le différend foncier opposant l’État du Cameroun à British American Tobacco (BAT) sur une parcelle de 4 hectares à Bastos semble loin d’être résolu. Le 25 novembre 2024, le ministre des Domaines et des Affaires foncières, Henri Eyébé Ayissi, a signé un arrêté maintenant l’exercice du droit de préemption de l’État et la rétrocession du terrain à des familles autochtones, après avoir pourtant annulé cette décision le 31 juillet 2024 sur « très hautes instructions » présidentielles. Ce revirement intervient après un recours gracieux déposé le 20 novembre 2024 par Me Olivier Chi Nouako, avocat des familles bénéficiaires de la rétrocession. Ces dernières avaient déjà vendu le terrain à des personnalités influentes, ce qui alimente des accusations de spéculation foncière au sein des cercles du pouvoir.
Dans sa correspondance du 25 novembre 2024 adressée à BAT Cameroun, le ministre Eyébé Ayissi explique son changement de position. Il admet avoir interprété de manière « extensive » les directives contenues dans une lettre du 26 juin 2024 émanant du secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh. Ce courrier, censé transmettre les « très hautes instructions » du chef de l’État, n’aurait pas explicitement exigé d’annuler la rétrocession du terrain. Pourtant, l’intervention de la présidence avait été perçue comme un soutien à BAT, qui dénonçait une spoliation de ses droits fonciers. L’entreprise avait obtenu un titre foncier pour cette parcelle dans les années 1990, avant d’être dépossédée par un arrêté ministériel en avril 2024 au profit des familles Edoa Onambélé Tobie, Bissoni Bissoni Richard et Etoundi Jean Luc.
Face à ce nouveau développement, BAT pourrait intensifier ses actions en justice. Déjà engagée dans une procédure devant le tribunal administratif de Yaoundé, la multinationale menace de porter l’affaire devant des juridictions internationales si nécessaire. Ses avocats dénoncent une manœuvre orchestrée pour exproprier leur client au profit de tiers influents. Lors d’une audience le 11 juillet 2024, BAT avait exprimé son intention de se battre pour récupérer le terrain, qualifiant les actes de l’État de « violation flagrante des droits de propriété ».
Au-delà de l’aspect judiciaire, ce litige met en lumière des pratiques controversées au sein de l’administration camerounaise. Selon des sources concordantes, les familles ayant bénéficié de la rétrocession auraient rapidement vendu la parcelle à des personnalités proches du pouvoir. Cette situation soulève des interrogations sur l’intégrité des décisions administratives et l’utilisation du droit de préemption de l’État. Alors que le gouvernement semble divisé sur ce dossier sensible, l’issue de ce litige pourrait avoir des répercussions majeures sur l’image du Cameroun en matière de respect des droits de propriété et d’attractivité pour les investisseurs étrangers.
En attendant, l’affrontement entre BAT et l’État promet de s’intensifier dans les mois à venir, relançant un débat national sur la gestion équitable du patrimoine foncier.