Au Cameroun, malgré la montée en puissance progressive du barrage hydroélectrique de Nachtigal, le Réseau interconnecté Sud (RIS) continue de faire face à des perturbations notables. En ce mois de septembre, la Nachtigal Hydro Power Company (NHPC) a lancé les essais techniques du troisième groupe de turbines de ce vaste projet d’une capacité totale prévue de 420 mégawatts (MW). Avec cette nouvelle turbine de 60 MW, le barrage atteindra une capacité de 180 MW. Cependant, l’impact de ces ajouts reste limité en raison de l’état dégradé des infrastructures de transport et de distribution d’électricité.
Depuis la mise en service des deux premières turbines, respectivement en juin et août 2024, les consommateurs du RIS n’ont constaté aucune amélioration tangible de la qualité du service. Cela s’explique par la vétusté des infrastructures de transport gérées par la Société nationale de transport de l’électricité (Sonatrel), ainsi que les réseaux de distribution sous la responsabilité de la société Eneo Cameroun SA. Ces deux entités peinent à mobiliser les financements nécessaires pour moderniser leurs équipements, ce qui empêche une bonne exploitation des nouvelles capacités de production électrique.
Une ligne d’évacuation de 225 kilovolts (KVA) a bien été installée pour acheminer l’électricité depuis le barrage de Nachtigal vers Yaoundé, notamment vers les transformateurs de Nyom 2, Ngousso et Edea. Cependant, une ligne similaire destinée à relier le barrage à Douala, principale zone de consommation du pays, n’a pas encore vu le jour. Cette absence limite considérablement l’impact de la montée en puissance du barrage sur l’amélioration de l’approvisionnement électrique dans la région Sud.
Pire encore, au lieu de réduire les coupures d’électricité, on observe ces derniers jours un retour des délestages, non seulement dans la capitale Yaoundé, mais également dans plusieurs localités des six régions alimentées par le RIS. La situation est exacerbée par les retards accumulés dans la construction des nouvelles lignes de transport, un projet qui relève de la responsabilité de Sonatrel.
Le gouvernement camerounais a fixé un calendrier strict pour l’injection progressive des nouvelles capacités du barrage de Nachtigal. Selon ce plan, 60 MW supplémentaires devraient être ajoutés chaque mois au réseau, jusqu’à ce que l’ouvrage atteigne sa pleine capacité de 420 MW d’ici à la fin de l’année. Cependant, cet ajout progressif reste tributaire de la capacité des infrastructures à évacuer cette énergie et à l’acheminer vers les zones de consommation.
De son côté, le fonds d’investissement britannique Actis, propriétaire d’Eneo, est en négociation avec l’État camerounais pour céder sa filiale. Ce désengagement pourrait être motivé par le sous-investissement récurrent d’Eneo dans les infrastructures de distribution, une situation qui contrevient aux engagements contractuels pris lors de la signature du contrat de concession en 2001 entre l’État camerounais et la société américaine AES, prédécesseur d’Actis. Depuis son arrivée, Actis a signé trois avenants pour adapter ces engagements, mais les défis liés à la distribution de l’électricité restent nombreux.
Dans ce contexte, les autorités camerounaises ont lancé un audit physique des infrastructures de distribution d’Eneo dans les régions du Centre et du Littoral. Cet inventaire permettra de dresser un état des lieux des équipements de distribution, en précisant leurs caractéristiques techniques, leur état général, ainsi que leur valeur comptable. Les résultats de cet audit seront déterminants pour l’évaluation des obligations contractuelles d’Eneo en matière de service public et pour l’éventuelle révision des termes du contrat de concession.
Malgré ces efforts, la modernisation du secteur électrique camerounais semble encore loin d’être achevée, tant les besoins en investissements sont importants pour assurer une distribution d’électricité fiable et continue à travers le pays.