Un nouveau décret revalorise les primes des chercheurs camerounais des instituts publics, concrétisant ainsi les engagements pris en 2023 pour soutenir la recherche scientifique. Cette mesure entend renforcer le secteur en fidélisant et en attirant les talents, face à des défis de coordination et de valorisation des travaux de recherche.
Le décret présidentiel sur les primes des chercheurs, fraîchement adopté, marque un tournant dans la valorisation de la recherche scientifique au Cameroun. Après des décennies de revendications et d’attentes, les chercheurs des instituts publics voient leur statut et leur rémunération revalorisés, grâce à des primes de recherche mensuelles désormais comprises entre 90 000 et 140 000 FCFA, en fonction de leur grade, de l’attaché au directeur de recherche. À cela s’ajoute une prime de technicité allant de 30 000 à 50 000 FCFA. Cette revalorisation vise à répondre aux attentes d’une profession qui se sentait délaissée et à adapter les conditions de travail aux réalités modernes de la recherche.
Le décret du 8 août 2023 avait amorcé cette dynamique en établissant un statut spécial pour les chercheurs. Avec ce dernier texte, les primes viennent compléter le salaire de base, attirant ainsi les jeunes talents et fidélisant ceux déjà en poste. Pour le Pr Paul Woafo, président sortant de la Société camerounaise de physique (SCP), cette réforme était nécessaire pour soutenir le développement scientifique et technologique du pays, et elle doit s’accompagner de mesures de coordination afin de valoriser davantage les résultats des recherches.
Le Cameroun se distingue par son dynamisme scientifique, comme le montrent les chiffres du centre de recherches SCIMAGO : entre 1996 et 2023, le pays a produit 29 343 publications scientifiques. Ces performances placent le Cameroun en tête des pays francophones d’Afrique pour la recherche scientifique, et au 12e rang continental. Ce leadership est une fierté nationale et un moteur de rayonnement, mais les experts soulignent l’importance de fixer des objectifs stratégiques pour amplifier l’impact de cette production scientifique.
Malgré cet élan, le secteur de la recherche camerounais souffre de difficultés de coordination. D’après la SCP, 90 % des projets de recherche ne disposent pas d’objectifs clairement définis, que ce soit par les autorités publiques ou les entreprises privées. Cette situation découle d’un manque de stratégie globale, laissant de nombreux chercheurs avancer sans coordination ni soutien institutionnel. Seuls 10 % des travaux de recherche sont menés dans des instituts supervisés par le ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation (Minresi), tandis que la plupart des projets sont initiés individuellement.
Ce décret représente une avancée significative pour la recherche scientifique au Cameroun, mais pour qu’il ait un impact durable, il devra s’accompagner de réformes en matière de coordination et de gestion des projets. La recherche doit s’inscrire dans une vision commune, en lien avec les besoins économiques et sociaux du pays. Avec cette nouvelle valorisation, le Cameroun ambitionne de renforcer son rôle en Afrique francophone, tout en se donnant les moyens de faire face aux enjeux scientifiques mondiaux.