Le gouvernement camerounais met en œuvre une mesure prévue depuis 1995, permettant l’abonnement à tarif réduit pour certains usagers des postes de péage. Destinée aux responsables administratifs et aux riverains, cette réforme vise à faciliter la mobilité tout en sécurisant les recettes publiques dans un secteur miné par la corruption.
Le Cameroun se dirige vers une nouvelle étape dans la gestion de ses infrastructures routières avec l’implémentation d’un abonnement à tarif réduit au niveau des postes de péage. Cette mesure, qui découle de la Loi de Finances de 1998/1999, devrait bientôt entrer en vigueur, accompagnée d’une campagne de sensibilisation auprès des usagers. Selon le Ministre des Finances, Louis Paul Motaze, l’objectif principal de cette réforme est de faciliter les déplacements des responsables administratifs et des riverains des postes de péage, tout en renforçant la sécurité des recettes collectées.
Toutefois, l’abonnement ne sera pas accessible à l’ensemble des usagers de la route. Il est réservé à trois catégories spécifiques : les responsables administratifs, les riverains dont les domiciles ou lieux de travail se trouvent à proximité d’un axe à péage, et les véhicules des services publics locaux utilisés pour des missions itinérantes. Les véhicules de transport public de 15 places assises ou moins, opérant autour d’un seul poste de péage, pourront également bénéficier de cet abonnement.
Tarifs préférentiels
La souscription à cet abonnement sera assortie d’un coût forfaitaire de 5 000 FCFA par mois pour les véhicules privés des riverains. Les véhicules des services publics bénéficieront, quant à eux, d’un abonnement annuel au même tarif. Les véhicules de transport public, qui sont plus sollicités pour des trajets fréquents, devront payer un abonnement mensuel de 20 000 FCFA.
Cette mesure, bien qu’elle semble nouvelle, s’inscrit en réalité dans un cadre juridique prévu depuis 1995. C’est ce que le Ministre des Finances a précisé dans une lettre adressée le 4 juin dernier aux gouverneurs des régions et aux préfets des départements, afin de leur exposer les contours de cette réforme. Cette décision est avant tout une réponse aux besoins de mobilité des populations vivant ou travaillant à proximité des postes de péage, mais elle pourrait également jouer un rôle crucial dans la lutte contre la fraude et la corruption qui gangrènent le secteur des transports.
Une lutte contre la corruption en toile de fond
Outre son volet social, cette mesure vise à sécuriser les recettes issues des péages routiers, qui restent largement sous-estimées par rapport au trafic réel. En 2023, le montant collecté au niveau des postes de péage s’élevait à 7,2 milliards de FCFA, un chiffre jugé insuffisant par les autorités. En effet, la Commission Nationale Anti-Corruption (CONAC) a souvent pointé du doigt les irrégularités dans la gestion des péages, qui contribuent à des pertes financières importantes pour l’État.
Dans son « Rapport sur l’état de la lutte contre la corruption au Cameroun en 2021 », publié en novembre 2022, la CONAC a classé le secteur des transports parmi les dix secteurs les plus corrompus du pays. Le rapport de 250 pages évoque plusieurs types de pratiques frauduleuses : la vente illicite de tickets de péage, la falsification de documents, l’extorsion de fonds aux camionneurs dans les stations de pesage, et la corruption dans les examens de permis de conduire. Ces multiples infractions mettent en lumière l’ampleur du phénomène et la nécessité pour les autorités de mettre en place des mécanismes de contrôle plus stricts.
Un enjeu économique et social
L’abonnement à tarif réduit au péage routier pourrait ainsi contribuer à limiter certains abus tout en facilitant les déplacements des usagers concernés. L’initiative s’inscrit dans un cadre plus large de réforme du secteur des transports, visant à améliorer la transparence et à optimiser les recettes publiques. Toutefois, la mise en œuvre effective de cette mesure nécessitera une vigilance accrue pour garantir que les bénéficiaires des abonnements soient bien ceux éligibles et que les fonds collectés soient utilisés de manière transparente.
En plus de son impact économique, cette réforme présente un enjeu social important. Elle permettra aux populations vivant ou travaillant à proximité des postes de péage de circuler plus librement sans supporter les coûts répétitifs du péage. Pour l’État, cette initiative est également une manière d’encourager le respect des règles en matière de transport tout en assurant une meilleure gestion des flux financiers issus de ces infrastructures.
En conclusion, l’abonnement à tarif réduit pour les péages routiers s’annonce comme une mesure à la fois bénéfique pour les usagers et stratégique pour l’État, qui souhaite sécuriser ses recettes et lutter contre les pratiques frauduleuses. Toutefois, la réussite de cette réforme dépendra de l’efficacité des mécanismes de contrôle et de la capacité des autorités à faire respecter les conditions d’éligibilité.