« La nouvelle gamme de billets mise en circulation le 15 décembre 2022 bénéficie des dernières technologies en matière de signes de sécurité visibles et invisibles, afin de les rendre quasiment infalsifiables… ». Le Gouverneur de la Beac, Yvon Sana Bangui s’était-il trompé si l’on fait référence au scénario vécu le 7 mai 2024 à Ebebiyin en Guinée équatoriale.
Trafics de faux billets, un inceste financier nourri au trois frontières Près de 2 ans après leur mise en circulation, la nouvelle gamme de billets fait les frais d’une contrefaçon inédite, la somme estimée à plus 1,5 milliard de fcfa à déjà mis à nu un système bien huilé et dont la source se trouve à l’agence Beac d’Ebebiyin en Guinée équatoriale. En effet, l’attention des autorités sous-régionales a été attirée par une flambée de plaintes de la part des agents économiques actifs dans les localités d’Abang-Minko’o et Kyè-Ossi, côté Cameroun, et Ebibeyin, côté Guinée équatoriale. Face à cette multitude de plaintes, les 7 et 13 mai 2024, deux hauts cadres de la Beac notamment le directeur de l’agence de la BEAC d’Ebebiyin et le chef de service de l’émission monétaire de ce centre seront interpellés en possession de faux billets d’une valeur de 1,5 milliards de Fcfa.
Bien plus, des enquêtes conduites minutieusement et de manière coordonnée par les services de sécurité camerounais et équato-guinéens, il ressort que plusieurs hauts responsables des services de sécurité des deux pays sont aussi impliqués et soupçonnés d’entretenir ce réseau en facilitant le change de la fausse monnaie de part et d’autre de la frontière, avec la complicité de certains établissements de microfinance. En exploitation pour certains au Secrétariat d’État à la défense à Yaoundé, l’on découvrira que, outre les responsables de l’agence Beac à Ebebiyin, un haut gradé de l’armée nationale de Guinée équatoriale est également impliqué tout comme le commissaire du poste de police d’Ebebeyin.
Même si une mission de contrôle de la Beac n’a révélé aucune malversation, ni irrégularité touchant aux encaisses de la Banque Centrale ; pour bon nombre d’observateurs, ce scandale de plus vient écorner l’image de marque de l’institution bancaire sous-régionale. D’ailleurs, Yvon Sana Bangui, le gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique centrale semble le reconnaître à demi-teinte, « Nous ne pouvons nier que cette situation pourrait avoir un impact négatif sur l’image et la crédibilité de la Beac »
La Beac, un îlot de scandales permanents
Alors que les enquêtes sont en cours et que les conclusions y afférentes permettront de déterminer les responsabilités, cette affaire vient rappeler de nombreux autres scandales.
Courant février 2024, une véritable guéguerre secoue la fin de mandat de l’ancien gouverneur, Abbas Mahamat Tolli. Acteur principal de ce show, le Directeur Général du contrôle général, Blaise Nsom qui, dans une correspondance datée du 06 Février 2024 et adressée au vice-gouverneur, au secrétaire général et au directeur général de l’exploitation de la Banque des États de l’Afrique centrale indiquait l’arrêt des activités du Gouverneur. Une situation qui avait fragilisé et mis à nu les désaccords fréquents au sein d’une institution qui semblait livrer ses secrets les plus intimes comme des bouts de pain.
Outre la fin de mandat sous tumulte de Abbas Mahamat Tolli. Le 04 Avril 2024 à Libreville, des membres du gouvernement de la banque centrale exigent via un rapport du comité des rémunérations que leurs salaires soient augmentés afin d’égaliser celui du gouverneur de la Banque estimé à 25 millions de Fcfa mensuel. À la manœuvre de ce qui s’apparente à un hold up financier, le vice-gouverneur, Michel Dzombala avec ses 22 millions de fcfa mensuels, le secrétaire général, Miguel Engonga Obiang Eyang 19 millions par mois, ainsi que les trois directeurs généraux, Jean-Clary Otoumou, Eugène Blaise Nsom, et Mahamat Djibrine, qui émargent chacun à hauteur de 16 millions de Fcfa le mois.
In fine, et bien que les réponses données par le gouverneur, Yvon Sana Bangui soient de nature à permettre aux populations et à l’opinion publique de comprendre que la Banque Centrale met tous les moyens possibles pour éviter la prolifération des fausses coupures, c’est l’image entière de la banque sous régionale qui est soumise à rude épreuve. Une situation qui fâche dans les chaumières et fait conforter l’idée de revoir certains paramètres sur le profil des personnes qui sont recrutés, le mécanisme de contrôle et l’accessibilité de certains responsables aux ressources financières de la banque.