La longévité aux affaires semble devenue une doctrine d’Etat, à tort ou à raison, bénéficier de l’onction de l’autorité du Chef de l’État a sûrement rendu des tiers frigide à l’idée de se faire remplacer un jour. Alors que l’année 2023 annonce une bagatelle d’innovations, regard croisé sur ces mandats problématiques qui ont scellés leur présence à la tête des institutions publiques et parapubliques.
De prime à bord, il est judicieux de préciser que le respect de la durée des mandats demeure un acte d’exemplarité et d’intégrité, car le législateur a établi une durée déterminée comme cadre de performance des entités publiques au Cameroun.
À cet effet, les lois de 2017 exposent la durabilité de rotation des dirigeants des structures publiques et parapubliques, singulièrement, 9 ans maximum pour les Directeurs Généraux et Directeurs Généraux Adjoints, 6 ans maximum pour les Présidents des Conseils d’Administration et membres du Conseil d’Administration.
Bien qu’ayant suscité des débats, le constat est clair, le statut quo reste le voilier qui a été retenu, celui de la pérennisation d’une classe au delà des mandats réglementaires.
Loin d’un pugilat orienté sur les personnes, le respect de la loi devrait être le pilier d’appui, les textes prevoyant que le Ministre de tutelle doit informer la Présidence de la République six mois avant l’échéance de la fin du mandat d’un Président du Conseil d’Administration; si l’on se refert à cette condition typique, ipso facto la dite diligence aurait donc dû être faite par toutes les tutelles concernées depuis le 12 janvier 2023.
Alors que les lois de 2017 posent les jalons d’un contexte sensible marqué par la contreperformance des entreprises relevant du portefeuille de l’État, à contrario de l’article 3 de la loi n° 2017/011 du 12 juillet 2017 qui privilégie la capacité de mener une action pour obtenir des résultats, conformément à des objectifs fixés préalablement, en minimisant les coûts des ressources et des processus mis en œuvre.
En effet, cette capacité est entretenu par la loi n° 2018/011 du 11 juillet 2018 portant Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques au Cameroun dont l’article 55 alinéa 2 stipule, « nul ne peut être nommé ou affecté à un poste comportant des responsabilités financières sans qu’aient été vérifiées préalablement ses compétences techniques, ses aptitudes professionnelles et les garanties déontologiques qu’il présente », d’où le respect de la durée des mandats constitue un acte d’intégrité notoire et dont tous les acteurs sont astreints à respecter.
De manière pratique, 85% des Présidents de Conseils d’Administration en fonction sont à contre courant des textes réglementaires ce qui interpelle le processus de remplacement progressif car seul15% de ces Présidents semble aguerri au strict respect du delai fixé à 6 ans à un poste.
Concrètement, sur 113 entreprises et établissements publics répertoriés, 102 entreprises fournissent l’information sur la nomination des Présidents des Conseils d’Administration soit 90,20%.
Par ailleurs,sur les 102 d’entreprises, 48 Présidents soit 47% auront dépassés la période prévue de leur mandat de six ans le 12 juillet 2023.
Un regard objectif démontre que les durées dans les postes vont pratiquement de 6 à 31ans; à cet effet, 31 Présidents de conseils d’administration ont un mandat qui s’étale de 6 à 11 ans, 16 ont une longévité au poste variant de 12 à 17 ans, 3 ont un mandat de 18 à 23 ans et 3 cumulent une durée de plus de 23 ans, pour un quota de 8 femmes sur 48 soit 16,66% de l’effectif.
En outre, référence faites aux données consultées, seuls 7 Présidents de Conseils d’Administration soit un pourcentage de 15% sont dans le respect de la durée de 6 ans au poste de PCA; un taux de non-conformité de 85% et assez inquiétant au regard des exigences de la loi de 1999 soutenueu par celle de 2017, laquelle mettait en lumière que 41 PCA sur les 48 avaient déjà des mandats largement dépassés. La loi est dure mais c’est la loi, dans le respect de celle ci, le Chef de l’Etat devrait indubitablement procéder au remplacement de tous les Présidents de conseils d’administration dont les mandats sont largement échus afin que rayonne ce concept chère à lui, la « République exemplaire ».
Loin d’une analyse à tirs groupés, la nécessité de remplacer s’impose car, dans le non-respect des lois et décrets est une violation flagrante de l’Etat de droit et un acte de délinquance administrative; l’enracinement des dirigeants n’est pas toujours à la hauteur des performances attendus; la théorie du changement instituée dans le cadre de la réforme des entités publiques ne peut guère s’appliquer sans oublier les dirigeants concernés qui engagent leur responsabilité civile et pénale en prenant des actes dont la légitimité peut être contestée.
Globalement, procéder au remplacement ne saurait être une punition bien au contraire, c’est la reconnaissance de la nation pour un travail appréciable; une appréciation doublée de la seule volonté du législateur camerounais que le fonction de Président de la République encadre.
Martial OBIONA