Patrice Motsepe – Un règne entre ambition et zones d’ombre

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À quelques mois de la fin de son mandat à la tête de la Confédération africaine de football (CAF), Patrice Motsepe, homme d’affaires milliardaire, se retrouve au centre de polémiques sur des contrats stratégiques et des pratiques opaques. Entre sponsoring controversé, droits de diffusion problématiques et accusations de politisation du football, l’héritage de son mandat est en jeu alors qu’il brigue un second terme en mars 2025.

Patrice Motsepe, figure emblématique du business africain et président exécutif d’African Rainbow Minerals, s’est imposé à la tête de la CAF en 2021 avec une promesse : redresser les finances et moderniser la gestion du football africain. Pourtant, son mandat est marqué par des scandales liés à la gestion des partenariats et à des pratiques dénoncées comme opaques. Sous son leadership, l’institution a enregistré des contrats lucratifs, mais ces accords s’accompagnent souvent de controverses qui jettent une ombre sur sa gestion. En 2023, l’Union camerounaise des brasseries (UCB) a obtenu un contrat de sponsoring exclusif pour les boissons gazeuses et eaux minérales des compétitions de la CAF, un marché estimé à 500 000 euros. Ce contrat, attribué sans appel d’offres clair, a suscité l’ire du groupe SABC, leader du secteur au Cameroun, écarté malgré une proposition initiale.

Canal+, New World TV et les droits de diffusion : bataille pour l’audience

Motsepe s’est aussi impliqué dans le domaine des droits audiovisuels. Alors que Canal+ tente de renforcer sa position en Afrique, il a joué un rôle clé dans les négociations autour du rachat de MultiChoice par le groupe français, un contrat évalué à 5 milliards de dollars. Mais c’est le partenariat avec New World TV (NWT), une chaîne togolaise méconnue, qui a fait couler le plus d’encre. En 2022, NWT a décroché pour 70 millions d’euros les droits exclusifs de diffusion des compétitions de la CAF pour l’Afrique subsaharienne, battant Canal+ malgré des moyens limités et des financements jugés obscurs. Ce contrat, négocié avec l’appui de hauts cadres de la CAF, a été critiqué pour ses modalités peu transparentes. Pire encore, NWT a accumulé un retard de paiement de 34 millions de dollars sur le montant total dû, mettant en péril les finances de la CAF.

Un leadership sous le feu des critiques

Les partenaires et dirigeants de la CAF dénoncent la politisation croissante de l’organisation sous Motsepe, notamment son alignement avec Gianni Infantino, président de la FIFA. Ce dernier est accusé d’utiliser son influence pour imposer des agendas politiques au détriment de l’autonomie des fédérations nationales. Dans ce contexte, Motsepe fait face à une contestation grandissante au sein de la CAF. Les retards de paiements de NWT et les critiques liées à la gestion financière ont entamé sa crédibilité. De nombreux cadres expriment leur mécontentement face à ce qu’ils considèrent comme une gestion centralisée, profitant davantage aux alliances politiques qu’au développement du football.

Des promesses non tenues

Lors de sa prise de fonction, Patrice Motsepe avait hérité d’un déficit de 40 millions de dollars. Il avait promis de rétablir les finances en maximisant les revenus liés aux droits de diffusion et aux partenariats. Trois ans plus tard, ces promesses peinent à se matérialiser. Les contrats signés sous son mandat, bien que lucratifs, sont souvent ternis par des allégations de favoritisme ou des clauses problématiques. L’affaire Canal+/MultiChoice illustre également les défis auxquels Motsepe est confronté : faciliter des accords ambitieux tout en respectant des régulations locales. La fusion, destinée à renforcer Canal+ en Afrique francophone, dépend encore de l’approbation du régulateur sud-africain, ajoutant une incertitude supplémentaire.

La bataille pour un second mandat

Avec une échéance fixée au 21 mars 2025, Patrice Motsepe a officiellement déclaré sa candidature à sa propre succession. Mais pour convaincre les présidents des fédérations africaines, il devra apaiser les tensions et présenter un bilan convaincant. Son soutien par des poids lourds comme le Maroc, le Rwanda et son pays natal, l’Afrique du Sud, pourrait ne pas suffire face aux critiques internes. Dans l’ombre de cette campagne, les scandales autour de NWT et des retards de paiements continuent de faire les gros titres. Les membres de la CAF, tout comme le monde du football africain, s’interrogent : Patrice Motsepe est-il l’homme capable de mener la CAF vers un avenir plus transparent et prospère, ou son mandat restera-t-il marqué par des zones d’ombre ?

À l’approche de l’élection présidentielle de la CAF, Patrice Motsepe devra répondre à des interrogations sur ses choix stratégiques et restaurer la confiance en une institution affaiblie par des controverses. Alors que le football africain mérite un leadership visionnaire et désintéressé, le futur de la CAF dépendra de la capacité de son président à se concentrer sur l’essentiel : le jeu et ses millions de passionnés à travers le continent.

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