Malgré des investissements colossaux et des emplois générés, la filière des oléagineux au Cameroun reste sous tension. Avec un déficit structurel de 160 000 tonnes d’huile de palme brute et des importations croissantes, les défis liés à la production locale, la régulation et la concurrence déloyale inquiètent les acteurs du secteur.
Au cours des sept dernières années, le Cameroun a vu ses importations d’huile de palme brute grimper, passant de 96 000 tonnes en 2017 à 225 000 tonnes en 2024, selon l’Association des raffineurs des oléagineux du Cameroun (Asroc). Ces volumes, représentant une augmentation de 29 000 tonnes, traduisent l’incapacité de la production nationale à répondre à une demande annuelle estimée à 2,4 millions de tonnes. Pourtant, les unités de transformation, telles que SCR, Azur SA ou HACC, ont accru leurs capacités, aggravant ainsi le déficit structurel.
Un marché fragilisé par des pratiques illégales
En plus de la pression sur l’offre, la filière souffre d’une concurrence déloyale. Selon Jacquis Kemleu Tchabgou, secrétaire général de l’Asroc, des huiles végétales raffinées non conformes et des produits commercialisés en violation des normes continuent d’envahir le marché. Malgré les mesures prises, comme l’interdiction de la vente en vrac par le ministère du Commerce en septembre 2023, ces pratiques persistent, minant les efforts des acteurs respectueux des réglementations en vigueur.
Un investissement majeur, mais insuffisant
Les acteurs de la filière ont investi plus de 1 000 milliards de FCFA, créant plus de 60 000 emplois. Cependant, ces efforts restent insuffisants face à une demande croissante et des difficultés structurelles, notamment en matière de sécurité dans certaines régions du pays. En novembre 2024, la production nationale mensuelle projetée était de seulement 6 466 tonnes, à distribuer à 17 transformateurs, soit bien en deçà des besoins mensuels estimés à 200 000 tonnes.
Des solutions encore limitées
Pour éviter une flambée des prix, le gouvernement a autorisé, en juillet 2024, l’importation de 225 000 tonnes d’huile de palme. Cependant, cette solution temporaire ne suffit pas à résoudre les défis de la filière. L’Asroc plaide pour une meilleure régulation des importations et un soutien accru à la production locale, afin de réduire la dépendance externe et stabiliser le marché.
Un avenir incertain pour la filière
Si des mesures urgentes ne sont pas prises pour augmenter la production nationale et renforcer le contrôle des importations, le déficit actuel de 160 000 tonnes risque de s’aggraver. La survie de la filière des oléagineux, essentielle à l’économie camerounaise, repose sur une mobilisation concertée des acteurs privés et publics.
La filière des oléagineux au Cameroun est à un tournant critique. Entre importations croissantes, défis de régulation et pression sur la production locale, seule une stratégie intégrée et durable permettra de garantir sa viabilité à long terme.