Confronté à un taux de chômage de 74% en 2024, le Cameroun mise sur une réforme budgétaire et le renforcement de la formation professionnelle. Mais, entre ressources limitées et ambitions politiques, le défi reste immense.
Le Cameroun est actuellement confronté à une crise de l’emploi sans précédent. Selon Gabriel Fandja, président de la commission de l’éducation à l’Assemblée nationale, le taux de chômage s’élève à 74% en 2024. Cette statistique, révélée le 13 novembre dernier, met en lumière une situation critique où les jeunes diplômés, en particulier ceux ayant suivi un cursus de l’enseignement supérieur, paient un lourd tribut avec un taux de chômage de 14,8%. En comparaison, les jeunes non scolarisés de la même tranche d’âge enregistrent un taux de chômage de 3%, ce qui souligne un paradoxe frappant.
Le ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, Issa Tchiroma Bakary, dénonce une inadéquation entre la formation actuelle et les besoins du marché de l’emploi. Selon lui, la prédominance de l’enseignement général au détriment des formations pratiques et professionnelles est un frein majeur à l’intégration des jeunes dans le secteur productif. « Cette jeunesse a besoin d’acquérir des qualifications professionnelles qui les rendent éligibles aux emplois qu’offre le secteur de production », a-t-il déclaré lors d’un forum organisé à l’Assemblée nationale.
Malgré la volonté affichée, les ressources allouées au ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle demeurent très en deçà des besoins réels. En 2024, ce ministère a bénéficié d’un budget de 28 milliards de Fcfa, un montant vingt fois inférieur aux 563 milliards alloués à l’enseignement secondaire. Cette inégalité budgétaire freine les projets de modernisation, comme la transformation des 288 SAR-SM (Sections Artisanales Rurales et Sections Ménagères) en centres de formation aux métiers modernes. Selon Issa Tchiroma Bakary, la construction d’un centre moderne coûte entre 2 et 3 milliards de Fcfa. La réalisation d’un tel projet exigerait un investissement minimal de 580 milliards de Fcfa, une somme loin d’être disponible.
Face à l’insuffisance des fonds publics, le gouvernement a introduit des mesures pour mobiliser des recettes non fiscales, notamment par le biais de prélèvements sur les visas de travail des étrangers. D’après les termes de cette réforme, les travailleurs non africains doivent verser l’équivalent de deux mois de salaire brut, tandis que les travailleurs africains sont soumis à un prélèvement d’un mois avec un abattement de 50%. Cependant, ces mesures n’ont pas encore produit les résultats escomptés. Pour l’année 2023, sur un objectif de 14 milliards de Fcfa, seulement 4 milliards ont été collectés, soit 28% de l’objectif.
En janvier 2024, le ministère a décidé de renforcer son dispositif en créant un fichier exhaustif des étrangers résidant au Cameroun pour améliorer la collecte des recettes. Néanmoins, Gabriel Fandja et d’autres parlementaires insistent sur la nécessité d’augmenter de manière substantielle le budget alloué à la formation professionnelle. « Le ministère est en déficit de moyens financiers. Il est urgent et impératif que les fonds soient augmentés pour atteindre les objectifs de 2025 », a-t-il déclaré. L’avenir de la jeunesse camerounaise dépendra en grande partie de la capacité des pouvoirs publics à répondre aux attentes et à allouer des ressources suffisantes pour favoriser l’accès à un emploi décent.