Alors que le Cameroun cherche désespérément des financements pour son développement, la Caisse autonome d’amortissement (CAA) révèle que près de 4 000 milliards de FCFA d’emprunts extérieurs contractés demeurent non décaissés. En dépit de la mise en place d’un mécanisme de décaissement, ces fonds oisifs continuent de croître, posant des questions sur l’efficacité de la gestion des projets et des finances publiques.
Au 30 septembre 2024, le Cameroun affiche un volume impressionnant de Soldes engagées non décaissés (SEND’s), évalué à environ 3 980,1 milliards de FCFA, selon la dernière note de conjoncture sur la dette publique de la CAA. Ce montant marque une hausse de 5,2 % par rapport à la même période l’année précédente, soulignant une tendance qui interpelle les autorités et les experts en gestion des finances publiques. Les SEND’s, qui représentent des prêts contractés mais non encore décaissés, reflètent un paradoxe pour un pays qui peine à mobiliser des ressources pour rattraper son retard infrastructurel et social. Malgré l’introduction en 2019 d’un nouveau mécanisme visant à accélérer le décaissement des financements, le volume des SEND’s reste supérieur à celui enregistré en 2017 (3 929,9 milliards de FCFA).
Les raisons de cette accumulation
La CAA attribue ce phénomène à plusieurs facteurs. Parmi eux, les cycles d’exécution prolongés des projets sont cités, de même que les conditions strictes des bailleurs de fonds, ou encore des événements conjoncturels tels que des pandémies et des crises énergétiques qui perturbent les calendriers de décaissement. De plus, la non-maturation des projets avant la signature des conventions de financement et les retards dans la mise à disposition des fonds de contrepartie par l’État viennent accentuer cette situation. L’analyse de la CAA est nuancée. Loin de voir ces montants inutilisés comme uniquement néfastes, elle les présente comme une opportunité de réévaluer et, si nécessaire, de renégocier les termes des prêts. « Leur gestion représente ainsi un défi en matière de planification budgétaire et de gestion financière », précise le rapport.
Conscient de l’impact de ces fonds non mobilisés, le président Paul Biya a émis, dans sa circulaire budgétaire de 2023, des directives claires pour resserrer la gestion des financements extérieurs. Il est allé jusqu’à exiger l’annulation des conventions de prêts pour les projets qui ne voient pas le jour dans des délais raisonnables. Cette stratégie vise à freiner l’accumulation des SEND’s et à garantir une utilisation plus efficiente des ressources empruntées.
Entre défi et opportunité
Malgré la perception de ces fonds comme un fardeau potentiel, la CAA insiste sur l’aspect stratégique des SEND’s. L’organisme souligne qu’ils peuvent être un outil de flexibilité financière, permettant au pays de mieux gérer les périodes d’incertitude économique tout en veillant à la maturation des projets financés. Pour autant, le volume croissant de ces emprunts inutilisés pose la question de l’efficacité des mécanismes mis en place pour optimiser la mobilisation de ces ressources. La persistance des SEND’s en 2024 met en lumière la nécessité de réformes plus audacieuses dans la gestion des emprunts extérieurs. Des efforts accrus sont requis pour s’assurer que ces financements, cruciaux pour le développement du Cameroun, soient non seulement contractés mais également utilisés de manière efficiente et en temps voulu.