Mobile money – Société Générale, l’État et Allianz perdent 5 milliards de FCFA

Société Générale
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La liquidation de YUP Cameroun, filiale de Société Générale dédiée au mobile money, a entraîné une perte colossale de près de 5 milliards de FCFA pour ses actionnaires, dont Société Générale Cameroun, l’État du Cameroun et Allianz. Cet échec est le résultat d’une concurrence écrasante, marquée par la domination de MTN et Orange, et de l’incapacité de YUP à établir un modèle économique viable.

En 2017, le groupe bancaire Société Générale lançait YUP, une plateforme de mobile money, dans sept pays africains, dont le Cameroun, dans l’espoir de capter une partie du marché croissant des paiements mobiles. Malgré des investissements conséquents et les efforts des équipes sur le terrain, YUP n’a jamais réussi à véritablement décoller. Après cinq années d’opérations infructueuses, Société Générale annonçait en mars 2022 la cessation d’activité de sa filiale YUP Cameroun. Le 29 décembre 2023, une assemblée générale extraordinaire des actionnaires officialisait sa liquidation, laissant derrière elle une perte estimée à près de 5 milliards de FCFA, soit environ 8 millions de dollars.

Les principaux actionnaires de YUP Cameroun, dont Société Générale, Allianz Cameroun et l’État du Cameroun, ont été frappés de plein fouet par la faillite de l’entreprise. Société Générale Cameroun, qui détenait plus de 80 % des parts de YUP Cameroun, se retrouve ainsi en première ligne de cette déconvenue financière. Pour Allianz et l’État du Cameroun, dont les pourcentages de participation n’ont pas été communiqués, les pertes sont également substantielles, alors même que le mobile money représentait un secteur porteur sur le continent.

L’attrait de YUP pour les utilisateurs camerounais n’a jamais réellement atteint les attentes. En effet, malgré une base de 689 071 clients inscrits en 2022, la grande majorité de ces comptes sont restés inactifs. Selon le rapport de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), au moment de la fermeture de YUP, seulement 3,35 % des comptes ouverts, soit 22 332, étaient effectivement utilisés. Cela signifie que 96 % des comptes, soit 666 739, n’étaient pas actifs. Ces chiffres traduisent un intérêt initial sans réel suivi, révélant une adoption quasi éphémère et un manque de fidélisation des clients.

Les difficultés de YUP Cameroun peuvent être en grande partie attribuées à la prédominance écrasante des deux principaux opérateurs de télécommunications locaux, MTN et Orange. Pionniers du mobile money au Cameroun, ces deux géants ont chacun développé une offre solide – MTN Mobile Money et Orange Money – bien avant l’arrivée de YUP. En 2021, Orange Cameroun revendiquait déjà 70 % de part de marché avec 10 millions de comptes et plus de 100 000 partenaires commerciaux. De son côté, MTN a affirmé en 2023 avoir surpassé Orange en termes de base d’utilisateurs actifs, consolidant sa position de leader du mobile money au Cameroun. Face à de tels concurrents, YUP n’a jamais vraiment eu les moyens de percer.

Dans son message d’adieu en mars 2022, Nicolas Pichou, directeur général de Société Générale Cameroun, expliquait que « malgré tous les efforts consentis par les équipes YUP […] pour développer nos parts de marché et améliorer l’expérience client, le service n’a pas réussi à créer un modèle viable et les perspectives de marché ne nous permettent pas d’envisager son maintien. » Après la fermeture définitive, un délai de trois mois avait été accordé pour rembourser les dépôts des clients, soulignant l’échec du modèle de YUP dans un marché où l’avance technologique et la présence locale restent des facteurs cruciaux pour s’imposer.

Si l’expérience YUP s’est soldée par un échec, elle met en lumière la difficulté pour les nouveaux acteurs de s’insérer sur un marché aussi compétitif que celui du mobile money au Cameroun. Orange et MTN, avec leurs réseaux bien établis et une connaissance profonde des dynamiques locales, semblent avoir creusé un fossé difficile à combler pour d’éventuels challengers. Cette situation devrait inciter les nouveaux entrants à repenser leurs stratégies et à s’assurer de proposer une réelle valeur ajoutée, sous peine de connaître le même sort que YUP.

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