Scruté de très près, le climat des affaires qui prévaut au Cameroun reste un détail très important pour les agences de notation. Une préoccupation que la circulaire signée le 23 octobre 2024 par le Chef de L’État camerounais, Paul Biya met en lumière.
Dans le but d’améliorer la perception des agences de notation vis-à -vis du Cameroun, le Chef de l’État camerounais recommande l’appropriation de la nouvelle méthodologie « Be Ready in Business ». Bien que la circulaire n°001 relative à la préparation du budget de l’Etat pour l’exercice 2025 ne donne aucune information sur cette nouvelle méthodologie. Le Chef de l’Etat camerounais appelle les différents à se l‘approprier dans un contexte où le Cameroun met progressivement en œuvre sa Stratégie Nationale de Développement 2020-2030.
Selon quelques observateurs des politiques publiques au Cameroun, cette nouvelle orientation de Paul Biya se rapprocherait de l’approche Business Reading (B-Reading) développée par le Groupe de la Banque Mondiale en mai 2023. D’après le rapport de l’équipe projet du B-Reading, cette approche repose sur 3 piliers principaux qui évalue le cadre réglementaire, les services publics, l’efficacité des entreprises et des marchés.
En appréciant le climat des affaires au Cameroun, tout spécifiquement le volet fiscal. Le Groupement des Entreprises du Cameroun faisait le procès d’un système fiscal rude. Dans un document de 13 pages, la principale organisation patronale du pays avait jeté un regard inquiet sur l’évolution du tissu économique camerounais. En illustrant le système fiscal, le patronat révélait que celui-ci demeure injuste et oppressif, ceci en raison du taux d’imposition effectif payé par les entreprises du secteur formel. « … Notre système fiscal conduit à payer des taux effectifs de 60 à 80%, il fait payer l’impôt aux entreprises naissantes, et même à celles qui font des pertes. A cela, j’ajoute des contrôles fiscaux et douaniers fréquents, donnant lieu à des redressements portant sur des montants astronomiques, représentant parfois plusieurs fois le bénéfice et même le chiffre d’affaires… », indiquait le même document.
Devant un climat d’affaires aussi difficile comme le révèle le Gecam, les investisseurs étrangers nourrissent des craintes ; celles-ci associées à une corruption galopante, donnent l’image d’un Cameroun où investir est un énorme risque. D’ailleurs, le 27 juillet 2023, l’agence de notation américaine Moody’s Investor Service avait rétrogradé de B2 à Caa1 la note du Cameroun, classant le pays dans la catégorie « Risque élevé ». Celle-ci avait en outre évoqué la question de l’assainissement budgétaire et l’urgence de mettre à contribution le secteur privé pour justifier la note attribuée au pays de Paul Biya.
Repenser le dialogue public privé pour un climat d’affaires sain au Cameroun
Sans le développement de partenariats public-privé, le gouvernement camerounais ne pourra pas améliorer le climat des affaires dans le pays. En effet, selon la Banque mondiale (2020), dix indicateurs sont utiles pour appréhender la facilité de faire des affaires dans un pays. Ces indicateurs concernent la capacité à : Créer une entreprise, obtenir un permis de construire, obtenir de l’électricité, enregistrer une propriété, obtenir un crédit, protéger les investisseurs minoritaires, payer des impôts, faire du commerce transfrontalier, faire respecter les contrats et résoudre les problèmes d’insolvabilité. Pour améliorer ses performances dans ces domaines, le gouvernement doit établir des partenariats solides avec le secteur privé qui pourra lui apporter des ressources nécessaires et suffisantes.
La renaissance de la Cameroon Business Forum
La perception de la Banque mondiale trouve également un écho dans la circulaire signée par le Président de la République, qui voudrait redonner vie à la Cameroon Business Forum. Une initiative créée pour favoriser l’amélioration du climat des affaires. La CBF semble ainsi en voie de renouveau, répondant à la volonté de l’exécutif d’offrir un espace de concertation renforcé entre le gouvernement et le secteur privé. En berne depuis 2020, la directive intervient de Paul Biya intervient après que (août 2024) plusieurs parties prenantes aient pris part à un atelier destiné à faire le bilan du CBF et à en redéfinir les contours. Cet événement coordonné par Moïse Ekedi, secrétaire permanent du CBF avait permis de souligner une série de dysfonctionnements au sein du CBF, tels que le manque d’une voix unifiée et forte du secteur privé, une feuille de route surchargée et des ressources limitées.
Ce que propose le Gecam
Le Groupement des Entreprises du Cameroun, n’a pas manqué lui aussi de se prononcer sur la qualité du climat des affaires au Cameroun. Au cours de sa rentrée économique au mois d’octobre 2024, la principale organisation patronale du pays avait émis un plaidoyer.
À ce titre, le Gecam plaidait pour une réduction des taxes parafiscales, notamment celles appliquées par les collectivités territoriales décentralisées, et suggérait l’élargissement de la base fiscale dans la loi de finances 2025 pour alléger la pression sur les entreprises déjà fortement taxées. En matière d’infrastructures, le patronat appelait à un investissement accru dans le secteur énergétique pour moderniser les infrastructures de transport d’électricité, essentielles à l’activité industrielle. Le gouvernement était également invité à réexaminer le partenariat public-privé pour la réhabilitation du réseau routier national, dont le mauvais état ralentit l’économie.
Enfin, le Gecam préconisait une refonte de la législation sur les incitations à l’investissement. La loi de 2013, en vigueur, est jugée insuffisante face aux besoins actuels, particulièrement en ce qui concerne les incitations fiscales et douanières pour les nouvelles entreprises. Une analyse du Gecam indiquait qu’un montant de 198 milliards FCFA d’incitations n’a produit que 41 milliards FCFA de valeur ajoutée, soit seulement 0,00018 % du PIB, illustrant le besoin d’une révision en profondeur de cette loi
In fine, à côté du Be Ready in Business de Paul Biya, des recommandations avaient déjà été faites çà et là au gouvernement camerounais. L’objectif, consolider la dynamique des réformes orientées vers un environnement des affaires plus attractif pour améliorer la perception des agences de notation.