Ce groupe de mots exprimé par le Conseil d’administration de Tradex SA, aurait suffi pour mettre au banc de touche Simon Paley, désormais ex-directeur général de Tradex SA, l’entreprise pétrolière contrôlée à 54% des parts par la Société nationale des hydrocarbures et à 36 % par l’opérateur gazier Geogas.
Arrivé à la tête de l’entreprise en 2019, celui qui a été directeur commercial de la SNH s’est vu débarqué de son poste de dg de Tradex SA le 10 octobre 2024, ce au sortir d’une session extraordinaire du Conseil d’administration de la société Trading & Exploitation (Tradex), tenue à Yaoundé. Remplacé à titre intérimaire par Emmanuel Patrick Mvondo, qui a été durant son magistère, Directeur Général Adjoint de la boîte. Le limogeage de Simon Paley fait débat dans les chaumières huppées de la capitale politique du Cameroun,ouvrant la voie à plusieurs polémiques fondées ou non.
À en croire le communiqué officiel ayant sanctionné les travaux de l’assemblée générale extraordinaire, et dans les méandres du 25ème anniversaire de Tradex SA, «… L’avènement d’un nouveau dirigeant à la tête de l’entreprise annonce une ère de conquêtes nouvelles, fondées sur l’audace, l’agilité, l’inventivité et l’épanouissement du personnel ».
Simon Paley serait t’il devenu moins inventif, moins agile, dénué de toute initiative conquérante, aurait constitué t’il un frein à l’épanouissement des salariés. À ces interrogations, l’on apprend que Simon Paley s’est fait débarqué de son poste 24 heures seulement après la divulgation, par voie de médias, des performances financières et opérationnelles réalisées au cours des 5 ans qu’aura duré son bail à la tête de Tradex SA. D’après les chiffres présentés, depuis sa création en 1999, l’entreprise a réalisé ses meilleures performances au cours des 5 dernières années. À ce titre, Tradex a réalisé un résultat net record de 14,7 milliards de FCFA au cours de l’année 2023, soit une hausse de 107 % sur 5 ans. De plus, en investissant un peu plus de 8 milliards de FCFA sur 5 années , le chiffre d’affaires de l’entreprise pétrolière a progressé de 32 % entre 2019 et 2023, passant de 291,3 milliards de FCFA à 387,3 milliards de FCFA.
Péril sur l’article 2 relatif aux avantages
S’il est clairement établi que la performance est restée le leitmotiv de l’ex-directeur général, le communiqué final met en vitrine un autre aspect litigieux. En effet, «… Cette décision du Conseil d’administration est accueillie avec allégresse par les salariés de l’entreprise », peut t’on lire. Des confidences récoltées, outre la suppression de certains avantages, Simon Paley paye le prix du départ précipité de certains hauts cadres de l’institution au cours des dernières années. Dans le box de ceux qui ont récemment quitté le navire, Jessica Dina désormais ex-directrice des affaires générales de Tradex SA. Si un employé ayant requis l’anonymat soutient que l’arrivée de Simon Paley a remis de l’ordre dans une maison où l’indiscipline régnait. «… Le climat social s’est vraiment détérioré, suite à certaines décisions prises par le DG… Pour prendre une pause, les employés ont besoin d’un document délivré par le supérieur hiérarchique pour franchir le portail », indique cet employé , avant de conclure, « Au début, nous croyions que c’était la discipline ».
Est-ce au prix de la discipline que l’ancien dg aurait supprimé le « Car plan ». Si aucune réponse n’émerge à ce propos, précisons que « Car Plan» est une facilité qui permettait à des cadres de Tradex de se faire doter d’un véhicule par l’entreprise, avec pour avantage de ne rembourser que 20% du montant de l’achat par traites, la société assumant le reste des 80 %. La suppression de ce privilège aurait sans doute contribué à maintenir un climat social glacial entre le patron des lieux et les salariés, bien que certains reconnaissent que cette mesure a significativement impacté sur l’amélioration de la rentabilité de Tradex. Savannah Energy, Trad’Car et Glencore.
Si le dossier Savannah Energy reste réduit à sa simple expression par un communiqué signé le 24 juillet 2024 par Ferdinand Ngoh Ngoh, SGPR et PCA de la SNH. Le communiqué rendu public au sortir d’un conseil d’administration extraordinaire avait entériné le rejet par les administrateurs de la SNH, des comptes de l’exercice 2023. Une décision punitive qui visait à sanctionner l’opération de rachat par la SNH, de 10% des actions jadis détenues par la société Savannah Energy dans le capital de la société Cotco SA. Cette opération conclue le 19 avril 2023 pour un montant de 26,8 milliards de FCFA n’avait pas reçu l’onction du chef de l’État, Paul Biya. Pour bon nombre d’observateurs, le limogeage de Simon Paley rentre dans une stratégie de nettoyage. Car son nom a souvent fait office d’un potentiel remplaçant de l’actuel Adg de la SNH, Adolphe Moudiki qui tient le gouvernail de la structure depuis 31 ans déjà.
À côté de cette observation, l’affaire Glencore qui reste pendante devant la Southwark Crown Court de Londres au Royaume-Uni. Un dossier qui n’a pas encore révélé les noms des complices camerounais ayant perçu des pots de vin d’une valeur d’environ 7 milliards de Fcfa afin d’accorder certaines facilités trader anglo-suisse. Selon des sources au sein du conseil d’administration de Tradex, l’affaire Glencore a été abordée au cours des travaux. D’ailleurs, « Les actionnaires de Geogas n’ont effectivement pas voté la révocation du DG, mais ont voté pour la nomination du nouveau DG par intérim », confie sous anonymat un membre.
En effet, d’après la même source, c’est le vote favorable des actionnaires de la SNH, qui contrôlent 54% du capital de l’entreprise, ainsi que des autres actionnaires détenant 10% des parts de l’entreprise, qui a débarqué Simon Paley de son poste. Quant au dossier TradeCard, une carte électronique permettant d’acheter du carburant dans les stations Tradex; c’est la perte d’environ 2 milliards de Fcfa en 2022 qui a motivé le limogeage de Simon Paley.
Un réquisitoire en béton armé
Acculé de toute part, cité officieusement ça et là dans divers scandales financiers. Pour rétablir la vérité disent t’ils, les soutiens indéfectibles de l’ex directeur général sont montés au créneau. À propos du dossier Glencore, «… Certains actionnaires ont demandé des éléments impliquant Simon Paley directement dans cette affaire de corruption. Aucune preuve tangible n’a été présentée par les accusateurs. En l’absence d’une décision judiciaire ou d’une enquête formelle du Tribunal criminel spécial (TCS), ce motif s’est avéré trop léger pour justifier l’éviction de Simon Paley de ses fonctions de DG», soutient la défense de Simon Paley.
Bien que directeur commercial de la SNH entre 2003 et 2019, et acteur non négligeable dans le dispositif de négociation des contrats de vente du brut camerounais, chapeauté par Adolphe Moudiki, administrateur directeur général de la SNH. Les affidés du directeur général sortant précise, « Il faut savoir que seul l’ADG de la SNH est habilité à signer les contrats de vente de brut. Donc, une fois les négociations bouclées, les projets de contrats de vente de pétrole sont soumis à son appréciation. Il les évalue au préalable avant de les signer. Car, c’est sa signature qui engage la SNH. Cette procédure a toujours été rigoureusement respectée, y compris pendant les années concernées par l’affaire Glencore ».
Quant au scandale de la Trad’Car qui a éclaté en 2022, le camp Paley soutient que, « Simon Paley n’a pas de responsabilité dans ce scandale. S’il a été auditionné lors des enquêtes, aucune charge n’a été retenue contre lui. Il n’a même pas été retenu comme témoin dans cette procédure. Le suspect principal de cette affaire, qu’on présente comme proche de lui, est responsable de ses agissements. Surtout que cet employé en fuite a été recruté puis responsabilisé à Tradex plusieurs années avant que Simon Paley n’arrive à la direction générale de cette entreprise ».
Pour ce qui est d’entretenir un climat social délétère, « On peut comprendre que certaines décisions d’un manager ne plaisent pas à une partie du personnel. Mais, la mission était d’améliorer la rentabilité de Tradex. Un défi que Simon Paley a relevé, comme le témoignent les chiffres de l’exercice 2023 », fait observer la partie défenderesse.
Globalement, l’éviction surprise de Simon Paley met une fois de plus en lumière la lutte pour le pouvoir, la question de la gouvernance voire l’éclosion des clans et le jeu trouble des personnels tel que souvent observé dans de nombreuses structures publiques et parapubliques. Autant de paramètres qui pourraient avoir une incidence négative dans la mise en œuvre de la Stratégie nationale de développement 2020-2030.