L’affaire est portée par une trentaine d’ONG qui, dans une lettre ouverte datée du 31 juillet 2024 et adressée à 11 banques partenaires du groupe Bolloré, qui est accusé de greenwashing et violation de droits humains. Ceci fait suite à une enquête menée en septembre 2023 par le Conseil d’Éthique du Fonds de pension norvégien dans les plantations de la Société camerounaise de palmeraies (Socapalm), une des entités de Socfin gérée par sa filiale Socfinaf.
Des partenaires financiers de Bolloré sont accusés de greenwashing pour leur soutien à Socfin, filiale du groupe, impliquée dans de graves atteintes aux droits humains au Cameroun. Une trentaine d’organisations de défense de l’environnement et des droits humains ont adressé, le 31 juillet 2024, une lettre ouverte à 11 banques finançant Bolloré, dénonçant leur complicité dans ces pratiques. Ces banques, parmi lesquelles BNP Paribas, HSBC, ING et Rabobank, sont critiquées pour financer Socfin malgré les graves violations des droits des travailleurs dans les plantations de palmiers à huile de Socapalm, une filiale de Socfin, au Cameroun.
Le Conseil d’Éthique du Fonds de pension norvégien a publié un rapport en mars 2024, documentant les violations dans les plantations de la Société camerounaise de palmeraies (Socapalm). Il évoque des violences sexuelles, des abus envers les travailleurs et l’accaparement des terres des communautés locales. Le rapport indique notamment que des superviseurs de Socapalm ont commis des viols et abus sexuels sur des femmes, souvent employées de l’entreprise ou des résidentes des villages environnants.
Ces accusations, soutenues par des ONG comme ActionAid France, GRAIN et The Oakland Institute, visent également Bolloré, actionnaire à 39,75 % de Socfin, holding luxembourgeoise qui contrôle plusieurs plantations en Afrique. Les ONG appellent les banques à exclure Socfin de leurs financements et de l’organisme de certification Roundtable on Sustainable Palm Oil (RSPO), qui promeut la culture durable de l’huile de palme.
Le Fonds de pension norvégien a mis Bolloré et Socfin sous surveillance pour une durée de deux ans, mais les ONG estiment que cette décision est insuffisante. Elles demandent le retrait immédiat du fonds d’investissement de Bolloré, soulignant les impacts négatifs sur les communautés locales et l’environnement. D’autres allégations concernent l’exploitation abusive des travailleurs et les violations des normes environnementales.
Bolloré, de son côté, rejette la responsabilité, affirmant qu’il n’a qu’une participation minoritaire dans Socfin et n’est pas impliqué dans la gestion quotidienne des plantations. Cependant, les organisations de défense des droits humains et de l’environnement continuent d’exiger des actions plus concrètes de la part des institutions financières. Elles appellent ces dernières à cesser tout financement à Bolloré et Socfin pour ne pas contribuer à la perpétuation des abus dans les plantations.
Les ONG espèrent qu’une pression accrue sur les banques pourrait contraindre Bolloré et Socfin à améliorer leurs pratiques ou à faire face à des sanctions économiques. Selon elles, l’inaction des institutions financières équivaut à une complicité tacite dans la violation des droits humains et la destruction de l’environnement. Les banques n’ont pas encore officiellement répondu à la lettre ouverte des ONG, bien qu’elles aient indiqué qu’elles prévoyaient de répondre avant la fin du mois d’août 2024.
Le rapport du Conseil d’Éthique du Fonds de pension norvégien souligne la gravité des accusations portées contre Socfin, mais la Banque centrale de Norvège, qui gère le Fonds, préfère donner du temps à Bolloré pour remédier aux problèmes soulevés. Cette approche est critiquée par les ONG qui estiment que les communautés locales n’ont pas le luxe d’attendre que les choses changent progressivement, d’autant plus que les violations documentées sont récurrentes et anciennes.
Au-delà de la question des droits humains, les accusations contre Socfin concernent également la déforestation et la destruction des écosystèmes locaux en Afrique de l’Ouest, où l’entreprise gère plus de 138 000 hectares de plantations. Ces pratiques sont en contradiction avec les engagements environnementaux des banques membres du RSPO, et les ONG soulignent que la poursuite du financement de ces activités contrevient aux principes de responsabilité sociale et environnementale de ces institutions.
En dépit de la pression internationale, le groupe Bolloré maintient sa position, affirmant que Socfin est une entité indépendante dont il ne contrôle pas directement les opérations. Cependant, les liens financiers étroits entre Bolloré et Socfin, et la position influente du groupe au sein de la holding, ont conduit les ONG à remettre en question la crédibilité de cette affirmation. Elles continuent de réclamer des mesures fortes, notamment l’exclusion de Socfin du RSPO et le retrait des investissements des banques et du Fonds de pension norvégien.
Les prochaines étapes de cette campagne dépendront en grande partie de la réponse des institutions financières concernées. Si celles-ci décident de se retirer du financement de Bolloré et Socfin, cela pourrait créer un précédent important pour la responsabilité des entreprises dans le secteur des matières premières agricoles, où les abus contre les droits humains et la destruction de l’environnement sont souvent dénoncés.