C’est un nouveau chapitre qui s’est ouvert dans l’affaire qui oppose la holding Bestinver liée au milliardaire camerounais et le banquier sud-africain, First National Bank (FNB), filiale de FirstRand Bank (FRB), si l’on se réfère au propos d’un responsable près du Tribunal de grande instance (TGI) du Wouri, siégeant en matière commerciale dans cette affaire.
Bien que l’audience du 18 juillet 2024 présidé par le juge Mbangue, Président du Tgi du Wouri et après délibération visait à autoriser les banques où sont logés les comptes saisis de Mtn Cameroon et Chococam à payer environ 250 milliards de FCFA en réparation des actifs de Danpullo vendus en Afrique du Sud, nous confient une source judiciaire proche du dossier. Le collège des juges avait procédé au renvoi en délibéré de l’affaire pour le 23 juillet 2024 prenant ainsi en compte les exceptions soulevées par Me Bayero, avocat de Chococam, ce qui avait fait reculer le collège des juges du TGI et retarder le verdict.
Si à date, aucune information ne filtre sur la décision prise lors de l’audience du 23 juillet 2024, la mise en délibéré sans débat au fond de cette affaire suscite des tourments pour le personnel de MTN Cameroon. Pour les avocats de la filiale camerounaise du groupe sud-africain, cette décision du TGI du Wouri est assez surprenante. Selon eux, « … Le Tribunal ne peut objectivement se prononcer sur la requête de Bestinver sans que l’entreprise apporte des éléments probants attestant qu’elle dispose vis-à-vis de MTN Cameroon d’une créance certaine, liquide et exigible, comme le veut la loi…. Le délibéré ne peut intervenir sans que MTN Cameroon ait présenté des arguments qui contestent les prétentions de la holding liée à Danpullo. »
À l’origine, une saisie de biens
Pour mieux appréhender cette affaire, il faut revenir à la saisie et la vente de plusieurs biens immobiliers appartenant à Baba Danpullo. En effet, 4 sociétés sud-africaines notamment Bestinver Ltd South Africa, Joburg Skys Scraper Pty Ltd, Bestinver Prop 01 Proprietary Ltd et Bestinver Cameroun avaient contracté des prêts financiers auprès des banques sud-africaines. Incapables de rembourser selon la justice sud-africaine, les enseignes avaient été mises sous liquidation ; les liquidateurs ayant procédé à la vente de certains actifs de ces sociétés pour rembourser la dette auprès des créanciers.
Une situation jugée par l’entreprise Bestinver détenue par Dada Danpullo comme une spoliation de biens encadrée par un élan de xénophobie et d’abus. Dans la foulée, l’homme d’affaires avait introduit une rétorsion sur les intérêts sud-africains au Cameroun notamment Mtn Cameroon et Chococam, en saisissant le Tribunal de première instance de Bonanjo. Résultat des courses, à partir du 22 septembre 2022, trois ordonnances avaient été signées pour la saisie des comptes des sociétés défenderesses afin de recouvrer une créance d’un montant global de 243,76 milliards de Fcfa.
Si à l’époque, Baba Danpullo dénonçait l‘usage par les avocats de Mtn Cameroon de pirouettes non-juridiques pour avoir gain de cause. Du côté de la partie adverse, Me Bayero évoque un imbroglio judiciaire, « Nous nous retrouvons dans une affaire rocambolesque car jusqu’à ce jour, MTN n’a pas eu l’occasion de débattre du bien-fondé du litige. Nous sommes préoccupés par le fait que cela dure depuis maintenant près de deux ans. » a-t-il poursuivi.
Péril les emplois chez le géant sud-africain au Cameroun
Pour nombre d’observateurs, cette bataille juridique pourrait impacter sur les emplois chez MTN Cameroon. D’ailleurs, pour le Syndicat national autonome des travailleurs des nouvelles technologies de l’information et de la communication (Syntic), le comportement du tribunal de grande instance du Wouri soumet à de nombreuses interrogations. Se référant aux audiences des 6 juin, 4 juillet et 18 juillet 2024, le syndicat affirme rester à l’écoute du ministre du Travail et de la Sécurité Sociale, Grégoire Owona car, « Il serait dommage que les milliers d’emplois que nous représentons et l’avenir de nos familles soient affectés par les manœuvres de quelques personnes qui tentent d’utiliser la justice pour satisfaire leurs propres intérêts égoïstes ».
Globalement l’affaire Bestinver/MTN C/Chococam est loin d’avoir livré tous les secrets, le tribunal se trouvant au cœur d’une prise de décision cruciale. Entre préserver les emplois, maintenir à flot la diplomatie sud-africaine et camerounaise ou alors dire la loi quel que soit les répercussions qui adviendront, les parties impliquées gardent les yeux rivés sur le Tgi du Wouri.