Recouvrement des créances – Face aux débiteurs véreux, le bétail s’invite à la saisie

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Outre les fonds de commerce, les avoirs en monnaie électronique et autres biens, le bétail a rejoint la liste très convoitée des créances sous le coup du recouvrement depuis le 16 février 2024. Une mesure qui intervient 25 ans après l’adoption par l’Ohada, du texte initial portant sur l’organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.

Questionné sur les enjeux de cette nouvelle réglementation, une grande partie de l’opinion publique camerounaise accueille avec joie cette mesure, « les gens sont devenus très malhonnête, avec ça au moins, les uns et les autres vont se ressaisir » confie Martine Ndemba, caissière dans une banque de la place.

Si bon nombre de personnes affirment avoir été abusées par des tiers, chez d’autres l’idée de saisir du bétail fait rire ; « … Des bœufs pour recouvrer une dette, mais c’est amusant ça ». Si le texte initial limitait le recouvrement des créances à huit types de saisies à savoir : les biens meubles corporels, les créances, les récoltes sur pieds, les revendications, la préemption, les valeurs mobilières et droits d’associés, et foraine. « Dorénavant, si un débiteur est incapable de rembourser un crédit et qu’il est propriétaire d’un troupeau de bœufs, ceux-ci peuvent être saisis et vendus par son créancier pour se faire rembourser », soutient Eyike Vieux, magistrat, écrivain et enseignant de droit.

Extensible à d’autres biens, le texte de 120 pages et 338 articles révisé de l’Ohada stipule parlant des fonds de commerce que, « … La saisie rend le fonds de commerce indisponible. Il ne peut dès lors être ni aliéné ni grevé de charges. Toutefois, l’exploitation du fonds peut être poursuivie. Le gérant doit verser les redevances à un séquestre. La vente sera ensuite effectuée à l’amiable ou aux enchères si la vente amiable n’intervient pas dans un délai de 15 jours ».

Désormais applicable dans les 17 États membres de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada), au niveau du Cameroun, plusieurs juristes justifient le bien-fondé liée à la révision de l’acte uniforme Ohada. Rencontré pour la plupart lors d’une formation sur les aspects pratiques de l’acte uniforme, organisée du 10 au 12 juin 2024 à Douala par le Centre professionnel de formation à la médiation, à la négociation et au droit Ohada au Cameroun (SCP Cefomen). Ces juristes affirment que l’élargissement des objets sujets à saisie vise à accroître l’assiette de recouvrement des créances. Cela offrira plusieurs opportunités aux États et aux particuliers pour recouvrer leurs créances, soutiennent-ils.

À côté, d’autres soulignent que les nouvelles dispositions de l’acte uniforme Ohada tombent à point nommé pour l’Etat du Cameroun, qui peine à mobiliser des créances. En effet, pour le compte de l’année 2022, soutient la Commission technique de réhabilitation (CTR) ; la Société de Recouvrement des Créances du Cameroun a travaillé sur neuf décisions de justice évaluées à 46,297 milliards de FCFA, et ambitionnait de recouvrer 10,325 milliards de FCFA. Contrairement à l’ambition affichée, le bras séculier de l’État en matière de recouvrement des créances n’a pu collecter que 5,395 milliards de FCFA, soit une baisse de 17% par rapport aux 6,5 milliards de FCFA recouvrés en 2021.

Si par le passé, de nombreuses entraves limitaient l’action de la Société de Recouvrement des Créances, la révision récente des textes de l’Ohada devrait permettre à la structure de monter d’un cran dans ses missions régaliennes. Vu que cette révision introduit aussi des dispositions relatives à la saisie conservatoire de bien placé dans un meuble corporel, lequel bien appartiendrait à un tiers y compris les sommes d’argent placées dans un coffre-fort, tout comme des biens détenus dans les établissements de crédit et assimilés.

Si le texte précise bien qu’en cas de saisie, « l’accès au coffre-fort n’est plus possible qu’en présence de l’huissier de justice qui a procédé à la saisie avec possibilité d’apposition des scellés », pour ce qui est de la saisie aux titres de créances négociables. Le texte mentionne que, « Dans un délai de 8 jours, sous peine de caducité, la saisie conservatoire doit être signifiée au débiteur par un acte qui contient, à peine de nullité, la mention de l’autorisation de la juridiction ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ».

In fine, du bétail à la monnaie électronique en passant par la saisie aux titres de créances négociables, l’actuelle réglementation de l’acte uniforme de l’Ohada marque une ère nouvelle dans le processus de recouvrement des créances dues tant aux personnes physiques qu’aux personnes morales.

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