Les premières élections régionales au Cameroun s’annoncent à grand pas. Alors que plusieurs postulants à la candidature à ces consultations électorales ont été éliminés sur la base du principe de l’équité édicté par le Comité central instance suprême du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), parti au pouvoir, d’autres candidats passibles du même critère ont été retenus par l’instance dirigeante du parti au pouvoir, au grand dam des recalés qui crient à l’injustice. Enquête.
Dans l’esprit de la lettre, le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais a voulu, dans le cadre des élections régionales en cours, donner la possibilité à toutes ses composantes sociologiques de candidater à un poste. Au-delà des critères édictés par la circulaire du président national et des instructions écrites du secrétaire général, le parti de Paul Biya a recouru au principe de l’équité. Ce principe prône, selon les explications de Grégoire Owona secrétaire général adjoint du Comité central du Rdpc, « la non concentration des postes électifs et des responsabilités politiques et administratives au sein d’une même sphère dans l’arrondissement (groupes ethniques, familles) ».
C’est d’ailleurs sur la base de ce principe que plusieurs candidatures ont été recalées lors des investitures organisées par le Rdpc, en septembre dernier. Parmi les candidatures rejetées sur la base du principe de l’équité, l’on cite le candidat Joseph Alphonse Bibehe, dont le frère cadet est membre du gouvernement ; Samuel Bouedjila, dont l’épouse est présidente de section Ofrdpc et adjoint au maire de la ville de Kribi etc. Si plusieurs projets de candidatures se sont écroulés comme des châteaux de carte, sur la base de ce principe, d’autres passibles du même critère ont été validées, à la grande surprise de certains militants du RDPC.
LA GALAXIE TSIMI EVOUNA
Trésorier général du Comité central du Rdpc, ancien délégué du gouvernement et membre du bureau politique du Rdpc depuis 2011, Gilbert Tsimi Evouna est aussi candidat au poste de délégué de département du Mfoundi pour le compte des élections régionales du 06 décembre prochain. Pourtant plusieurs membres de sa famille occupent déjà des fonctions électives qui devraient éliminer de facto sa candidature. Son épouse, madame Tsimi née Mvilongo Catherine est conseiller municipal à la commune de Yaoundé 7, avec pour ambition de devenir maire de cette commune. Son neveu Franck Eric Ndzie est député depuis 10 mois de la même circonscription, de quoi donner les ailes à la grande famille Angock qui jure contrôler le Rdpc dans le Mfoundi.
LE NYONG ET SO’O A LA SOLDE DES MVOG AMOUGOU
Le candidat Nnemde Emmanuel est passé par les mailles du filet lors de la sélection des candidats du Rdpc, pourtant sa candidature tombait sous le coup du principe de l’équité. Si cela peut paraitre comme une indélicatesse aux yeux de certains, il n’est pas aussi absurde de penser à une volonté avouée de contrôle du pouvoir par un clan. Originaire du Nyong et So’o, Nnemde Emmanuel est issu du clan Mvog Amougou, tout comme Martin Mbarga Nguele, délégué général à la sureté nationale, ou encore Joseph Mbarga Mbida l’actuel maire de la commune d’Akoeman.
LES ANGWAFOR AU CONTROLE DANS LA MEZAM
Le vote du 06 décembre prochain va déterminer si la famille du Fon Angwafor prendra à elle seule les rênes du Conseil régional du Nord-Ouest. Le professeur Angwafo III Fru Fobushi est candidat au poste de délégué de département dans la Mezam, alors que son père Fon Angwafo III Salomon membre titulaire du Rdpc est aussi candidat pour la house of chief dans la région du Nord-Ouest. Certaines indiscrétions laissent même croire que le professeur Angwafor est bien parti pour occuper le prestigieux poste de président du Conseil Régional dans le Nord-Ouest.
LES TRIPATOUILLAGES DE LA MEFOU ET AKONO
Le choix des candidats dans la Mefou et Akono en vue des prochaines élections régionales, a été souple pour certains candidats qui ne répondaient pas à certains critères. Frappée par le principe de l’équité, madame Assomo Medzo Léocadie Mireille a néanmoins été investie, alors que son époux Jean William Sollo occupe un poste politique au sein du comité central du Rdpc. En plus de lui, sa belle-sœur Crescence Ndzie, ainsi qu’un un autre de ses beaux-frères sont conseillers municipaux à la mairie d’Akono. Une indélicatesse similaire s’est aussi glissée à Ngoumou. Atangana Abega Joseph candidat au poste de représentant du commandement traditionnel, est issu de la même famille que Jean Baptiste Atemengue l’actuel maire de Ngoumou.
FRUSTRATIONS
Frustrés par la logique deux poids deux mesures, qui a guidé le choix des candidats lors de la dernière opération d’investiture des candidats pour le compte des élections régionales, plusieurs candidats ont décidé de se retirer des rangs du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais. C’est le cas de Joseph Alphonse Bibehe qui a annoncé qu’il se retirait momentanément de toutes activités du Rassemblement Démocratique du Peuple camerounais.
Plusieurs voix au sein du Rdpc pensent en effet que le critère sur lequel le parti s’est appuyé pour rejeter certaines candidatures est purement frauduleux. « Certains ont estimé dans les colonnes de plusieurs journaux que j’aurai dû lire les circulaires du président national du RDPC et les instructions du secrétaire général avant de me présenter. Mais j’ai lu ces documents qui étaient clairs et évoquaient toutes les conditions pour être candidat », explique Alphonse Bibehe.
Pour le candidat recalé d’Edéa, le problème est que « la bande à Nkuete, dans sa note d’application a tenu également compte de ce qui est dit dans la circulaire du président national. Mais quand elle arrive au niveau du partage (Non cumul des fonctions), elle dit, des choses qui ne figurent pas dans la circulaire du président national, comme quoi, le partage signifie également : « la non concentration des postes électifs et des responsabilités politiques et administratives au sein d’une même sphère dans l’arrondissement (groupes ethniques, familles) ».
Selon Alphonse Bibehe, « cela relève purement de leur invention. Dans ce genre de situation, même s’ils avaient ajouté des critères frauduleux comme celui-là, ce n’est pas exclusif, cela doit être inclusif et intervenir lorsque deux candidats arrivent à égalité ». Car on ne devrait pas saper le militantisme et les ambitions d’un citoyen du fait que son frère, sa sœur ou son mari occupe déjà des responsabilités au sein de l’appareil administratif, explique un élu.
Joseph Essama