L’adresse du Président de la République le 31 Décembre 2022 a jeté un rideau sur les perspectives pour l’année 2023 notamment celui d’une possible augmentation des prix des hydrocarbures, une perspective qui dès son annonce provoque déjà un tollé ; une situation qui invite à une rétrospective de ce secteur au cours des 10 dernières années.
Depuis 2010, l’Etat Camerounais au gré de la conjoncture internationale parfois instable, à su alterner entre hausse et baisse des prix pétroliers dans le souci de préserver un climat social adéquat. Si l’on jette un regard rétrospectif sur les 12 dernières années, la dose est suffisamment salée tout aussi bien que le climat social qui se dégrade ; les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Subventions, évolution de 2010-2022
En 2010, la subvention à la consommation des produits pétroliers à coûté à l’Etat du Cameroun 145 milliards de FCFA et avait atteint 300 milliards en 2012 puis 420 milliards en 2013 pour un cumul de 450 milliards en 2014 d’après les données recueillis auprès de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures. Des subventions qui n’ont pas cessé de gonfler au fil du temps pour atteindre des montants qui interrogent.
D’après les sources consultées, la période allant de 2016 à 2022 a été plus encore plus subventionné. Si le montant de la subvention a régressé pour retrouver un montant de 100 milliards en 2021, celui-ci est passé de 100 à près de 625,4 milliards en 2022 suite à la loi rectificative de Juin 2022, matérialisant ainsi une hausse de 300% par rapport au budget initial qui était de 265,4 milliards.
De manière globale l’Etat du Cameroun a débloqué 6080,4 milliards en 10 ans pour les produits pétroliers et le gaz domestique.
Donc le citoyen lambda qui se présente à la pompe ignore suffisamment que le litre de super servi à 630 F vaut en réalité 1016 F soit 386 F de différence, que le litre de gasoil s’élève logiquement 1027 F au lieu de 575 F payé à la pompe par l’automobiliste ; tout comme le pétrole lampant vendu à 350 F devrait coûter 849 F. s’agissant du gaz domestique, la ménagère ne soupçonnerait pas que sa bouteille de gaz de 12.5kg vendu à 6500 F lui coûte le double du prix soit 13277 F avec une différence de 6777 F que prend l’Etat à son compte afin de soulager les ménages ce qui représente un manque à gagner d’environ 70,5 milliards par an chiffres établis par le Ministère du commerce.
Contexte international et crises internes
Si l’Etat dans son approche providentielle continue à subventionner les hydrocarbures, il clair que cela va dans le sens de permettre aux consommateurs et aux ménages de faire face à la situation des cours sur le marché.
Depuis 2010, le contexte international n’a cessé d’être chambouler par la fluctuation des cours du baril, les mouvements d’humeurs des pays producteurs de pétrole et autres paradigmes liés au conflit dans le monde.
Lors de la reprise économique de 2010, une forte croissance de la demande des hydrocarbures a été observée, une tension accentuée début 2011 par les révolutions dans le monde arabe et le chaos qui accompagne est la résultante de la hausse par exemple du Brent qui atteint le pic de 128 dollars à la mi-mars 2012.
Malgré la remontée de 2016 après un blocus engagé par l’Arabie Saoudite et certains membres de l’OPEP face au gaz de schiste américain, la demande crescendo va davantage affecter le Cameroun d’autant plus que la survenu de la crise mondiale du virus Covid-19 au début de l’année 2020 ; une pandémie qui a constitué une autre vague de turbulence très forte avec en toile de fond une brutale baisse de la croissance économique mondiale.
Au-delà de la crise du virus Covid-19, la guerre russo-ukrainienne donc les prémices remontent au mois de février 2014 reste également un élément qui pose le postulat de la hausse des subventions au niveau des pays importateurs tant la crise participe à la hausse du prix des cours sur le marché ; une situation très entretenu par la Russie qui dicte sa loi sur le marché mondial des hydrocarbures à travers le contrôle des lignes de pipeline et des dépôts gaziers russes et ukrainiens.
Si le contexte international officie dans les turbulences des cours de produits pétroliers et amène à accroitre les subventions au niveau des Etats y compris au Cameroun, notons tout de même que la conjoncture interne au Cameroun ne passe pas inaperçue.
Le remous social observé au Cameroun depuis quelques années déjà fait parti des leviers qui ont amenés le gouvernement de la République a continuer la subvention des hydrocarbures dans la mesure où il faut maintenir un climat social apaisé malgré la cherté de la vie.
Comme le monde entier dans sa globalité, le Cameroun a été marqué par la crise sanitaire lié au corona virus, une situation qui a amené à redéfinir les priorités sur le plan national. Les intrusions du groupe djihadiste Boko Haram et la crise dans les régions spéciales du Nord-ouest et du Sud-ouest ne sont pas des éléments négligeables car ces conflits nécessitent un redéploiement militaire et logistique énorme et cela ne va pas sans l’usage des produits des hydrocarbures notamment le gasoil et même l’essence pour ne citer que ces deux là.
Privé des unités de raffinage de la SONARA soit 7 sur les 13 après l’incendie du 31 Mai 2019, le Cameroun s’est vu dans l’obligation de multiplier le montant à la subvention devenant ainsi un importateur exclusivement tourné vers l’extérieur malgré ce que cela représente comme coût.
Si le ministre des finances reconnaissait déjà le 7 juillet 2022 qu’il ya une réflexion à mener au sujet des subventions car à long terme celles-ci ne seront plus soutenables pour le Cameroun, la possibilité d’une augmentation des prix desdits produits apparaitrai donc tel un mécanisme pour soutenir l’effort déjà grandiose et essoufflé de l’Etat qui est à bout ; tant les chantiers de développement sont assez nombreux et nécessitent des enveloppes budgétaires conséquentes.
Des directives présidentielles et une population aux aguets
Alors que le discours à la nation du 31 Décembre 2022 annonçait une pléthore de directives pour l’année2023 ; les camerounais dans leur entière majorité scrutent de très près la question lié à la possible augmentation du prix des produits pétroliers malgré l’assurance donnée sur des mesures à étudier pour maintenir les prix actuels. Bon nombre de théoriciens s’accordent à l’idée que des mécanismes doivent être mis en place pour atténuer ces subventions notamment la réduction des charges budgétaires liées à cet effet, la maitrise des coûts de distribution et la reformulation du type de subvention. Par ailleurs, il faudrait actionner le levier de l’approvisionnent pérenne et à bon marché des produits pétroliers en faisant appel aux traders qui pratiquent des prix plus compétitifs afin de minimiser les coûts et les manque à gagner.
Cette mesure aura pour corollaire de réduire la capacité de nuisance des groupes d’intérêts particuliers qui détournent les subventions car le trading pétrolier est généralement entaché de corruption et de retro-commissions.
En définitive, il est question de renforcer l’efficacité des subventions au regard du lourd apport que l’Etat paye à cours de milliards soit 6080,4 milliards pour les dix dernières années.
Martial OBIONA, Internationaliste et analyste politique