Dans les marchés de la cité capitale, les prix des denrées de première nécessité comme le riz, l’huile ou encore la farine de blé ont augmenté, une situation qui laisse perplexe les vendeurs et commerçants.
Nadine, est à son cinquième tour du marché Mfoundi à Yaoundé, la capitale politique du Cameroun. De boutique en boutique, cette jeune mariée de 24 ans s’enquiert des prix. « Ils ont tous augmenté», répondent invariablement les commerçants. Selon les marques, le paquet de pâtes de 500 grammes est passé de 400 francs CFA à 500 francs CFA ou encore de 550 à 700 francs CFA, au cours des derniers mois. Et la tasse de riz, qui valait 125 ou 150, est vendue aujourd’hui 175 ou 200 francs CFA. Cette dernière s’adosse à un comptoir vide. « Je ne comprends plus rien, soupire cette mère de six enfants, en essuyant son visage à l’aide d’un bout de sa longue robe colorée. Chaque semaine, les prix grimpent. Le riz, l’huile, le poisson, les œufs. La vie est devenue trop chère au Cameroun. », clame Nadine.N.
Des clientes comme elle, pauline nken ne cesse d’en voir défiler dans sa boutique. Certaines l’accusent même de faire le mono-prix « Elles pensent que c’est moi qui augmente les prix. Ce qui est faux. Pourtant nous aussi nous subissons cette augmentation via nos fournisseurs », s’écrie-t-elle. En quelques mois, elle a vu les sacs de riz passer de 15 000 ou 19 000 à 21 000 francs CFA ou jusqu’à 25 000 francs CFA. « Nous sommes obligés de nous aligner. Sinon nous allons entrer dans la capitale et voilà la perte à l’horizon », constate Pauline Nken.
« Les prix ont galopé »
Dans la pièce qui jouxte la boutique de Pauline, une autre boutique de ce marché considéré par certains comme le plus grand de la capitale politique Yaoundé en matière de vivre frais. « Nous sommes tous affectés par l’inflation », indique jean jules. « Les gens ne vendent pas cher pour le plaisir, c’est une situation qui nous plaît pas mais nous n’avons pas de choix Parce que nous devons pas vendre pour perdre », tient à préciser Jean jules commerçant dans le dit marché. Près de ce dernier , Junior Mballa est à bout de nerf, ce commerçant et agriculteur de tomate en grande quantité dit avoir perdu plus de 08 millions de francs CFA, investis dans la culture de la tomate et du poivron. Il a tout fait pour relancer son activité. <<le prix de l’engrais a grimpé allant parfois jusqu’à 21 000 francs CFA. Même les ménagères sont affectées à leur tours et sont a bout >>, indique Jules Mballa.
Selon Paul Anaba, étudiant en 04 année en science économique, la valse des étiquettes est d’abord la conséquence de la hausse des prix des matières premières notamment les denrées alimentaires et les intrants agricoles sur les marchés mondiaux, résultat d’une combinaison de facteurs liés à la pandémie à Covid-19 et à la guerre russo-ukrainien. Cette montée des cours se répercute rapidement au Cameroun, très dépendant des importations pour de nombreux produits de grande consommation comme le riz, le blé ou encore le poisson. A titre d’exemple, le pays couvre à peine un quart (seulement 100 000 tonnes par an) de ses besoins en riz avec la production locale. Le reste est importé, soit à peut près de 300 000 tonnes au premier semestre 2022.
Des allègements fiscaux sans poids
<< Dans un pays où le simig est de 36 000 francs CFA par mois, de nombreux Camerounais peinent déjà à joindre les deux bouts. La hausse des prix alimentaires, qui s’ajoute aux autres dépenses courantes, est donc intenable pour les ménages modestes >> affirme notre économiste en herbe, Paul Anaba.
Le contexte est très délicat pour les consommateurs et les commerçants de la ville aux 7 collines mais également pour l’industrie agroalimentaire depuis la venue de la covid-19 et la guerre russo-ukrainien. En rappel, le 8 février dernier, le groupement des industries meunières du Cameroun, représentant 70 % de la filière, a suspendu toute livraison de blé sur l’ensemble du territoire. Selon le communiqué qui sanctionnait cette suspension, la raison évoquée était « cette mesure prise à contrecœur vise à limiter la portée des pertes que ces entreprises enregistrent depuis trois mois à cause de l’augmentation ininterrompue et sans précédent du cours du blé, leur matière première ». Le même communiqué indique que: «A ce jour, nous n’avons plus suffisamment de trésorerie pour pouvoir garantir une disponibilité de la farine sur le marché à des quantités suffisantes », explique Alfred Momo Ebongue, secrétaire général dudit groupement. Ensuite « Nous avons un écart important entre nos coûts de production compte tenu du prix de revient du blé et le prix de vente de la farine», poursuit-il dans la correspondance, en précisant que, depuis octobre 2021, la filière perd en moyenne 5 milliards de francs CFA, tout ceci était compilé dans le communiqué du groupement de février 2022.
Il faut noter que cette augmentation galopante des denrées de première nécessité est vécu dans tous les marchés. C’est alors le même calvaire que vive les commerçants et vendeurs du marché Mokolo, autre espace commerçant de Yaoundé, Yvonne Nama, vendeuse de poisson frais, tente de convaincre Jacqueline d’acheter ses poissons. Cette dernière, visiblement contrariée, lui explique sa situation « En dehors de l’huile végétale dont le prix a légèrement diminué, tout est cher. Chaque jour, l’argent de la ration ne suffit plus. Si ça continue, nos enfants seront affamés parce que je ne comprends plus rien, c’est de trop cette affaire que nous vivons dans ce pays jadis très riche ». Nombreux sont des Camerounais qui en appelle à l’intervention du ministère du commerce qui semble avoir perdu sa langue face à cette situation.
Hélène PIMENI WOAPI