L’assemblée générale d’Afreximbank, réunie le 28 juin 2025 à Abuja, a porté le Camerounais George Elombi à la présidence de la banque. Au-delà de la consécration d’un parcours de 29 ans, cette décision place Yaoundé au cœur des rapports de force économiques du continent.
Avec un siège d’actionnaire direct et celui de la CNPS dans la catégorie B, le Cameroun disposait déjà d’une double porte d’entrée dans la gouvernance d’Afreximbank ; l’accession d’un de ses ressortissants à la tête de l’institution transforme cette présence en influence structurante. Elle intervient alors que la banque a fait passer son capital autorisé de 5 à 25 milliards USD afin de soutenir la Zone de libre-échange continentale (Zlecaf) et l’industrialisation africaine.
Un hub stratégique à Yaoundé
Depuis 2021, Yaoundé abrite le bureau régional Afrique centrale d’Afreximbank, destiné à tripler les interventions de la banque dans la sous-région et à servir de pivot au futur Africa Trade Centre. L’installation d’un président camerounais consolide ce rôle de plateforme logistique et financière, et renforce la diplomatie économique de Yaoundé dans l’espace CEEAC.
Afreximbank : booster de compétitivité
Avec 40,1 milliards USD d’actifs fin 2024, un bénéfice net de 973 millions USD et un objectif de 250 milliards USD d’ici 2035, Afreximbank s’affirme comme le premier fournisseur de lignes de crédit commerciales intra-africaines, un pilier du système de paiement PAPSS et un arrangeur clé des chaînes de valeur stratégiques (pharma, énergie, agro-industrie). Sa capacité d’ingénierie financière – garanties de risque pays, titrisation des revenus miniers, obligations vertes – réduit le coût du capital pour les États et les champions régionaux, améliorant la compétitivité globale du continent.
George Elombi
• Âge : 58 ans
• Formation : doctorat en arbitrage commercial (LSE), Maîtrise en droit (Univ. Yaoundé)
• Parcours : entré à Afreximbank en 1996 (juriste), chef du service juridique, secrétaire exécutif, puis vice-président exécutif Gouvernance/Juridique & Services corporatifs.
• Faits d’armes : architecte de la structuration des filiales du groupe ; 2 milliards USD mobilisés pour les vaccins Covid-19 ; 3,6 milliards USD de capitaux propres levés.
• Vision : faire d’Afreximbank « une force pour l’industrialisation et la dignité africaines ».
Quels défis pour l’Afrique – et pour le Cameroun ?
- Financer la production locale : sous Elombi, la banque devra canaliser davantage de ressources vers les PME industrielles pour capturer 40 % de la valeur des importations de biens essentiels.
- Accompagner la décarbonation : les garanties de transition énergétique seront cruciales pour attirer les 4 000 milliards USD nécessaires à l’Agenda 2063.
- Réduire les frictions logistiques : en Afrique centrale, le bureau de Yaoundé est appelé à convertir les corridors Douala-Ndjamena et Kribi-Bangui en véritables chaînes d’intégration régionale.
- Renforcer la monnaie locale : l’essor de PAPSS, adossé à Afreximbank, peut alléger la dépendance au dollar pour 30 % des transactions régionales d’ici 2030.
Pour le Cameroun, le potentiel est double : accès privilégié à des financements à long terme pour ses infrastructures d’exportation (zones industrielles portuaires, transformation du cacao) et positionnement dans les instances où se définissent les règles du commerce intra-africain. En d’autres termes, la nomination de George Elombi n’est pas seulement symbolique ; elle est l’un des atouts les plus tangibles de la diplomatie économique camerounaise depuis l’adhésion à la Zlecaf.