Présenté le 25 juin 2025 à l’Assemblée nationale, un projet de loi veut réserver l’activité de sous-traitance aux PME camerounaises, renforcer les obligations contractuelles, améliorer les délais de paiement et garantir la transparence. Objectif : stimuler l’économie locale, protéger les intérêts nationaux et enrayer la fuite des devises.
Le gouvernement camerounais entend réformer en profondeur le cadre juridique de la sous-traitance dans le pays. Jusqu’ici évoquée de manière marginale dans les textes sectoriels (codes pétrolier, gazier, minier ou encore marchés publics), cette activité souffre d’un encadrement jugé « superficiel et peu contraignant » selon l’exposé des motifs. Le projet de loi « portant régime de la sous-traitance au Cameroun », déposé à l’Assemblée nationale le 25 juin 2025, ambitionne de remédier à ces lacunes, en posant des règles strictes pour favoriser les PME/PMI locales, qui constituent plus de 90 % du tissu économique national.
Le texte propose de réserver l’activité de sous-traitance exclusivement aux PME de droit camerounais, dont au moins 51 % du capital est détenu par des nationaux et le siège social établi au Cameroun. En cas d’incapacité technique ou matérielle de ces entreprises à exécuter les prestations, une entreprise de droit camerounais (grande entreprise) détenant au moins 33 % de capital national pourra être sollicitée. Ce n’est qu’en dernier recours, après constat de l’autorité compétente, qu’une entreprise étrangère pourrait intervenir pour une durée maximale de six mois. Au-delà, cette dernière devra créer une entité locale.
L’un des aspects majeurs de la réforme réside dans la sécurisation financière des PME sous-traitantes. Le projet de loi impose le versement d’une avance de démarrage d’au moins 30 % du montant du contrat, déductible ensuite sur les factures, proportionnellement à l’évolution des travaux. Le délai maximal de paiement est fixé à 90 jours après réception de la facture, sous peine de pénalités. Des sanctions dissuasives sont également prévues en cas de manquements : les contrevenants risquent des amendes pouvant aller de 25 % à 75 % de la valeur du contrat, notamment en cas de refus de se conformer à la réglementation, de non-paiement ou d’usage de documents frauduleux.
Le texte introduit une obligation annuelle de publication du montant total versé aux sous-traitants, accompagnée de la liste complète des bénéficiaires, pour toutes les entreprises installées sur le territoire. Il impose aussi des engagements en matière de transfert de compétences ou de formation du personnel recruté localement. De plus, lorsqu’une grande entreprise ou une multinationale est adjudicataire d’un marché, elle est tenue de réserver au minimum 40 % en valeur de la prestation à des PME sous-traitantes, dès lors que le montant global dépasse un seuil qui sera défini par voie
Ce projet s’inscrit dans la politique nationale d’import-substitution, en incitant à la consommation de services locaux pour réduire la dépendance aux prestataires étrangers. En structurant l’activité de sous-traitance, l’État veut créer un effet d’entraînement sur l’économie nationale, booster la création d’emplois, retenir les flux financiers dans le pays et renforcer le tissu entrepreneurial. La sous-traitance est définie par le texte comme une opération par laquelle une entreprise principale confie à une entreprise tierce, sous sa responsabilité, l’exécution d’une partie du contrat conclu avec le donneur d’ordre ou d’activités annexes. Une définition élargie qui permettra d’étendre le champ d’application du dispositif à de nombreux secteurs.
Avec cette loi, le Cameroun amorce un tournant stratégique pour faire de la sous-traitance un levier structurant de son développement économique. Reste à voir comment ce dispositif sera mis en œuvre et contrôlé pour éviter les dérives et garantir son efficacité.