Les défis de Sidi Ould Tah, nouveau président de la Banque africaine de développement sont non exhaustif. L’ancien ministre mauritanien de l’économie dit s’inscrire dans la continuité des grandes priorités définies par son prédécesseur pour transformer le continent. Pour cela, il devra composer avec le désengagement des Etats-Unis vis-à -vis des mécanismes d’aide au développement.
Le dernier candidat à être sorti du bois aura finalement coiffé tous ses adversaires sur le poteau. Sidi Ould Tah a été élu, le i 29 mai, président de la Banque africaine de développement (BAD) lors des assemblées annuelles de l’institution panafricaine à Abidjan. Le Mauritanien, qui a officialisé sa candidature quelques jours avant la date butoir, succède au Nigérian Akinwumi Adesina, dont le deuxième mandat s’achève officiellement le 31 août.
Son programme s’appuie sur quatre points cardinaux : renforcer les institutions financières régionales, affirmer l’indépendance financière de l’Afrique sur les marchés mondiaux, utiliser la dynamique démographique comme levier de développement et construire des infrastructures résilientes face au changement climatique. Dans son entourage, on plaide pour sa capacité à reproduire ses réussites à la Badea au niveau d’une institution plus grande comme la BAD. « La BAD doit abandonner les modèles bureaucratiques traditionnels pour une approche plus fluide et axée sur les résultats », soutient le nouveau président.
Légitimité africaine renforcée
Cet ancien ministre de l’Économie en Mauritanie (2008-2015) plaide pour rompre avec les approches du passé dans un monde où les défis et opportunités de l’Afrique ont pris une nouvelle dimension. Face au désengagement de l’administration Trump, qui va suspendre 500 millions de dollars d’aide au fonds de la BAD. Sidi Ould Tah plaide pour attirer d’autres financiers, comme les pays du Golfe qu’il a bien connus à la Badea.
Sur les questions environnementales, dans un continent qui subit de plein fouet les effets du changement climatique, il compte valoriser les ressources naturelles du continent pour aller vers une transition énergétique viable, conciliant impératifs économiques et environnementaux.
Bien que l’Afrique soit un contributeur minimal aux émissions mondiales de CO₂, elle subit de plein fouet les effets du changement climatique. Il est donc impératif d’intégrer des pratiques durables et d’exploiter les énergies renouvelables dans les projets de développement”, explique-t-il.
Un technocrate du Sahel à la tête de la BAD
Élu le 29 mai, le Mauritanien Sidi Ould Tah devient le neuvième président de la Banque Africaine de Développement. Ce discret expert du financement du développement, rompu aux rouages des institutions multilatérales, incarne une nouvelle ère pour la BAD et une reconnaissance du Sahel dans le leadership africain.
À 61 ans, Sidi Ould Tah accède à la présidence de la Banque Africaine de Développement (BAD), devenant le premier ressortissant du Sahel à occuper ce poste stratégique. Son élection récompense un parcours exemplaire, entre expertise technique et diplomatie financière, à la croisée de l’Afrique et du monde arabe. Elle marque aussi un tournant symbolique pour la sous-région sahélienne, souvent marginalisée dans les grandes instances panafricaines.
Né en 1964 à Mederdra, en Mauritanie, Ould Tah s’est formé dans les grandes écoles européennes et anglo-saxonnes : doctorat en sciences économiques à Nice, leadership à Harvard, Londres ou encore Zurich. Son ascension débute tôt, dès ses 23 ans à la mairie de Nouakchott. Il évolue ensuite dans les sphères économiques mauritaniennes, avant de rejoindre les arènes internationales, notamment à la Banque Islamique de Développement (BID) à Jeddah.
C’est en 2015, à la tête de la Banque Arabe pour le Développement Économique en Afrique (BADEA), qu’il se révèle pleinement. En dix ans, il quadruple le capital de l’institution, élargit les partenariats et oriente l’action vers les infrastructures et le cofinancement Sud-Sud. Sa gestion de la crise soudanaise en 2023 – et le transfert maîtrisé du siège à Riyad – a renforcé son image de gestionnaire rigoureux et stable.
Consensuel, polyglotte, apolitique, Sidi Ould Tah est respecté dans les cercles africains et arabes. Il séduit par sa sobriété, son efficacité, et sa capacité à bâtir des ponts entre bailleurs, États et institutions. Dans un contexte de crises multiples – climatique, alimentaire, sécuritaire – son profil hybride, à la fois diplomatique et technocratique, pourrait bien faire la différence.
Le nouveau président de la BAD arrive avec une feuille de route claire : renforcer les infrastructures, stimuler l’intégration régionale, accompagner les États vers plus de résilience. Son style méthodique et orienté résultat pourrait insuffler une dynamique nouvelle à l’institution. Le Sahel tient là son homme fort. L’Afrique, un bâtisseur déterminé.
Une victoire éclair à la tête de la BAD
En trois tours de scrutin et avec plus de 76 % des voix, le Mauritanien Sidi Ould Tah a été élu, le 29 mai 2025, président de la Banque africaine de développement. Une victoire stratégique qui repose sur un large consensus africain, des soutiens arabes solides et un ralliement progressif des pays non africains.
À 60 ans, Sidi Ould Tah s’impose comme le nouveau patron de la BAD, avec 76,18 % des suffrages au troisième tour, contre seulement 20,26 % pour le Zambien Samuel Maimbo. Le contraste avec son prédécesseur Akinwumi Adesina, élu après six tours avec 58,1 % des voix en 2015, illustre la force du consensus autour du candidat mauritanien. Dès le premier tour, le duel entre Tah et Maimbo s’est dessiné. Ce dernier était en tête avec 40,41 %, mais c’est Tah, fort de 47,03 % des voix africaines, qui affichait une avance décisive sur le plan continental.
L’ancien patron de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (Badea) a su capitaliser sur son bilan positif et l’appui massif des pays arabes, menés par l’Arabie Saoudite et le Koweït. Des géants comme l’Égypte, le Maroc et l’Algérie ont pesé dans la balance. En Afrique centrale, il a également rallié la quasi-totalité des pays de la CEMAC, à l’exception du Tchad et de la RDC, contribuant à l’élimination rapide du Tchadien Abbas Mahamat Tolli.
Le succès de Sidi Ould Tah a aussi reposé sur une diplomatie habile auprès des actionnaires non africains. Les États-Unis, notamment, ont vu d’un mauvais œil une potentielle alliance entre le Nigéria et l’Afrique du Sud, écartant la Sud-Africaine Swazi Tshabalala. Quant au Sénégalais Amadou Hott, il n’a pas réussi à unifier la CEDEAO autour de sa candidature.
Le nouveau président aura pour tâche d’adapter la stratégie 2024-2033 de la BAD autour de quatre axes : réforme de l’architecture financière africaine, industrialisation et valorisation des ressources naturelles, transformation démographique en atout économique, et mobilisation massive de capitaux. Il pourra s’appuyer sur le soutien financier des fonds souverains arabes pour impulser des projets ambitieux sur le continent.