Mines solides – Le Cameroun face au miroir de ses illusions

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Annoncée comme l’un des moteurs de la diversification économique du Cameroun, l’industrie minière peine à décoller. Fer, bauxite, rutile : à mi-parcours de l’année 2025, aucune exportation n’a été enregistrée, malgré les engagements répétés du ministre Fuh Calistus Gentry. Entre projections optimistes et retards chroniques, le secteur minier camerounais semble englué dans une spirale de promesses non tenues.

Depuis fin 2023, le ministre par intérim des Mines, Fuh Calistus Gentry, a multiplié les annonces ambitieuses sur l’essor imminent du secteur minier. L’objectif affiché était clair : faire du Cameroun un exportateur de minerais solides dès 2024, à commencer par le fer, avec les projets Grand Zambi, Mbalam et Kribi-Lobe. Dans un contexte de déclin pétrolier, cette orientation visait à diversifier l’économie et à générer des milliers d’emplois. Mais les délais ont glissé, les sites annoncés n’ont pas démarré, et la réalité est venue contredire les projections gouvernementales.

Des projets miniers qui peinent à voir le jour

En dehors du projet aurifère de Mborguéné, dont l’attribution récente reste sans suite concrète, aucun des projets majeurs annoncés n’a été lancé. Nkout, Ngovayang, Ntem, Bibemi : autant de gisements dont les noms résonnaient dans les discours officiels mais dont l’exploitation demeure virtuelle. Le cas le plus emblématique reste celui du projet de cobalt-nickel de Nkamouna, censé être relancé par Phoenix Mining, mais bloqué depuis plus d’un an. Ce silence opérationnel tranche avec le discours de relance.

Des infrastructures stratégiques… toujours en chantier

Autre pierre angulaire du plan minier : les infrastructures logistiques. Le chemin de fer Nabeba-Mbalam-Kribi et le terminal minéralier du port de Kribi étaient annoncés comme indispensables pour exporter à grande échelle. Mais les négociations traînent, les travaux n’avancent pas, et aucune date ferme n’a été donnée pour leur livraison. Le ministre avait pourtant promis que ces chantiers structurants transformeraient Kribi en hub régional de plus de 100 millions de tonnes de fer. Pour l’instant, cette ambition reste une projection sur papier.

Permis dormants et juniors impuissantes

Face à l’inertie des projets, le gouvernement pointe désormais la faiblesse des entreprises titulaires de permis. Lors de la Cimec en mai 2024, Fuh Calistus Gentry dénonçait l’incapacité des juniors minières à mobiliser les financements nécessaires. En 2024, le ministère comptait 128 permis délivrés à 62 entreprises, dont la majorité n’ont produit aucun gramme de minerai. Cette concentration de titres entre des mains peu outillées souligne les limites du modèle d’attribution en vigueur.

Le réveil brutal d’un rêve minier

À la fin du premier trimestre 2025, le ministre a tenté de rassurer en annonçant la disponibilité de 600 000 tonnes de fer pour Grand Zambi et une avancée à 90 % pour la mine de Colomine. Mais ces annonces arrivent bien tard pour masquer l’échec des échéances fixées. Le contraste entre les objectifs proclamés et les maigres résultats nourrissent un scepticisme croissant sur la capacité du Cameroun à faire de son potentiel minier un levier réel de croissance.

À ce jour, le secteur minier camerounais demeure l’illustration d’un potentiel inexploité. Si les ambitions restent intactes, leur concrétisation se heurte à des obstacles structurels majeurs : faiblesse des partenaires, lourdeur administrative, retards infrastructurels. Le « rendez-vous avec l’histoire » évoqué par le ministre Gentry s’apparente désormais à un rendez-vous manqué. Pour que le sous-sol camerounais devienne enfin un pilier de développement, il faudra plus que des discours : une gouvernance rigoureuse, des financements solides, et une refonte de la stratégie minière nationale.

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