Patrick Alexandre Fomethe – « L’éducation financière est la clé de la réussite pour notre marché »

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Présent au Africa Capital Market Forum 2025, Patrick Alexandre Fomethe, Directeur général de Kori Asset Management, revient sur les défis majeurs du marché des capitaux en Afrique centrale. Dans un entretien franc et lucide, il plaide pour une gouvernance renforcée, une digitalisation maîtrisée et une vaste campagne d’éducation financière, condition sine qua non d’un marché crédible, inclusif et pérenne.

Pour Patrick Alexandre Fomethe, la participation de Kori Asset Management à l’Africa Capital Market Forum 2025 est avant tout stratégique : il s’agit d’un espace de dialogue, d’écoute et d’échanges entre les différents acteurs du marché. « Ce forum nous permet de comprendre les défis des autres opérateurs, d’identifier ensemble des pistes d’amélioration. C’est une opportunité unique pour renforcer notre positionnement dans un marché encore jeune mais plein de potentiel », souligne-t-il. À l’issue des travaux, le constat est clair : la gouvernance reste l’un des enjeux les plus critiques. « La bonne gouvernance rassure les investisseurs, structure le marché et lui donne la crédibilité nécessaire pour rayonner au-delà de la sous-région », explique le dirigeant, qui invite à une appropriation intelligente de ces concepts dans le contexte socioculturel local.

Digitalisation : promesse et prudence

Autre mutation majeure, l’arrivée d’une nouvelle génération connectée pousse le marché à s’adapter aux usages numériques. Pour Fomethe, si la digitalisation est une nécessité, elle ne doit pas être précipitée. « Digitaliser, oui, mais en assurant la sécurité des données et des flux. Nous gérons de l’épargne, ce n’est pas anodin », insiste-t-il. Il insiste aussi sur l’importance d’une éducation financière de masse pour accompagner cette transition. La digitalisation ne pourra porter ses fruits que si la population, tous profils confondus — salarié, commerçant, militaire, entrepreneur — est préparée à comprendre les produits proposés. L’épargne doit devenir un réflexe.

Vers un marché sous-régional intégré et structuré

L’unification des deux places financières sous-régionales est une avancée saluée par le patron de Kori Asset Management. « Cela nous permet d’avoir un cadre commun, des règles harmonisées et surtout de nouvelles catégories d’acteurs reconnus légalement comme les sociétés de gestion de placements collectifs ou les gestionnaires d’actifs immobiliers », détaille-t-il. Pour sa société, cette unification est un levier puissant : un seul processus d’onboarding pour des clients venant du Gabon, Cameroun, Tchad ou Congo. Avec les outils numériques, l’expansion sous-régionale devient une réalité. « Nous effectuons désormais des visites régulières au Gabon, preuve que cette dynamique rapproche les acteurs et favorise l’échange », se réjouit-il.

Un cadre réglementaire en évolution rapide

Selon Fomethe, le cadre réglementaire s’est nettement amélioré ces deux dernières années. « Il y a une vraie volonté d’avancer du côté de la Cosumaf. Certains textes paraissent même futuristes. À nous, acteurs, de nous arrimer à cette dynamique », dit-il. Il admet toutefois que cette évolution, notamment les normes KYC et les obligations LCB-FT, complexifie les opérations. Mais ces contraintes sont désormais mieux comprises et acceptées par les clients, qui y voient une garantie de sécurité pour leurs investissements.

Une jeune société aux ambitions régionales

Créée en 2022 et agréée en mars 2023, Kori Asset Management se veut un acteur régional fort dans les prochaines années. Son fer de lance ? L’éducation financière. À travers le programme « JOKORIE », l’entreprise sillonne écoles et universités pour sensibiliser les jeunes à l’épargne et à la constitution de patrimoine. Autre initiative notable : une table ronde à l’Assemblée nationale française destinée à informer la diaspora sur les opportunités d’investissement dans la sous-région. Résultat : un portefeuille déjà évalué à près de 15 milliards de FCFA, preuve d’une croissance maîtrisée.

L’urgence d’un écosystème coordonné

Pour Patrick Alexandre Fomethe, dynamiser le marché des capitaux passe inévitablement par une implication accrue des pouvoirs publics. « Il faut expliquer aux citoyens l’intérêt de l’épargne, mettre en place des incitations fiscales et diffuser massivement les produits comme les fonds communs de placement via les réseaux bancaires et assurantiels », martèle-t-il. Il prône également une communication plus coordonnée entre régulateurs, associations professionnelles et États. À l’image d’une « semaine annuelle de l’éducation financière », qui permettrait de toucher à la fois les professionnels du secteur et les populations encore peu sensibilisées.

Dans un marché en pleine structuration, Patrick Alexandre Fomethe incarne une vision ambitieuse mais réaliste : celle d’un marché inclusif, crédible et porté par une population éclairée. L’éducation financière n’est plus une option, mais la pierre angulaire du développement durable du marché des capitaux en Afrique centrale.

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