Reconduit pour un cinquième mandat à la tête de la Chambre de Commerce, d’Industrie, des Mines et de l’Artisanat du Cameroun (CCIMA), Christophe Eken cumule désormais 20 ans de pouvoir. Ingénieur formé en France, entrepreneur averti et figure controversée, il continue d’imposer son empreinte malgré les critiques et les échecs industriels.
À 77 ans, Christophe Eken vient d’être reconduit à la tête de la CCIMA pour un cinquième mandat consécutif, par décret présidentiel signé le 19 mai 2025. L’annonce met fin à un long suspense né de l’élection consulaire de juillet 2024, marquée par une forte contestation interne. Cette reconduction fait de lui l’homme au plus long mandat à la tête de cette institution, devant le Français Maurice Boucher, en poste de 1939 à 1957. Ingénieur de formation, diplômé de l’École centrale de Paris, Eken a bâti une carrière internationale avant de revenir au Cameroun en 1975. Il y prend les rênes de plusieurs entreprises majeures, dont Air Liquide Afrique centrale et Mercedes-Benz via Globauto S.A., qu’il représente pendant 16 ans. Fondateur de Centrale Voyages, il est également à l’initiative de projets dans le secteur agro-industriel.
Malgré son riche parcours, la reconduction d’Eken n’a pas fait l’unanimité. Depuis plusieurs années, des voix anonymes au sein de la CCIMA dénoncent une centralisation excessive du pouvoir et une forme d’immobilisme à la tête de l’institution. Les critiques pointent une gouvernance peu participative et peu ouverte à l’innovation. L’échec de l’usine d’abattage et de conditionnement de poulets de Bafang, financée par un don japonais, cristallise ces reproches. Présentée comme un projet structurant pour la région, cette usine n’a jamais décollé. En 2011 déjà, Louis Paul Motaze, alors ministre de l’Économie, reconnaissait que ses produits étaient trop chers face aux importations.
Parallèlement à ses fonctions à la CCIMA, Christophe Eken préside depuis 2022 la Conférence permanente des chambres consulaires africaines et francophones (CPCCAF). À ce poste, il entend promouvoir une meilleure intégration économique des PME africaines, via la transition numérique et écologique. Pour lui, l’emploi des jeunes et l’entrepreneuriat sont des clés de la stabilisation du continent. Il ambitionne d’élargir en Afrique des programmes européens comme Erasmus et VET Toolbox, et milite pour la reconduction du programme Archipelago, financé par l’Union européenne. Objectif : former et insérer les jeunes migrants revenus au pays, dans une logique de développement endogène.
En mai 2023, à Bordeaux, Christophe Eken déclarait vouloir renforcer les partenariats Sud-Sud, notamment via la ZLECAF. Pour lui, il est crucial d’ancrer les jeunes talents en Afrique, en leur offrant des opportunités économiques locales. Il prône une diplomatie économique pragmatique entre chambres consulaires africaines et francophones, dans une perspective de partage d’expertise et de co-développement. Malgré les réserves sur sa longévité au pouvoir, Eken continue d’incarner une certaine idée du panafricanisme économique. Reste à savoir si son dernier mandat à la CCIMA sera celui du renouveau, ou de l’immobilisme prolongé.