Deux études menées par l’ONG Forêts et Développement Rural (FODER) révèlent l’ampleur des dégâts causés par l’exploitation minière artisanale et semi-mécanisée dans les arrondissements de Batouri, Kétté et Kentzou. Entre insécurité alimentaire croissante, déforestation massive et pollution, les populations paient le prix fort du boom aurifère.
Entre 2010 et 2024, la surface consacrée à l’exploitation minière dans la région de l’Est est passée de 82 hectares à plus de 4 600 hectares. À elle seule, la commune de Batouri concentre 70 % de cette activité, soit 3 247 hectares, contre seulement 79 il y a 14 ans. La commune de Kétté suit de près, avec une dynamique tout aussi préoccupante. Selon les données de FODER, près de 44 % de ces superficies minières, soit 2 025 hectares, étaient autrefois des terres agricoles.
Pour les communautés locales, cette expansion minière se traduit par la perte de moyens de subsistance. « Chaque saison, un nouveau site minier prend notre champ », déplore Marie, agricultrice à Kétté. La disparition des champs de maïs, manioc ou bananiers réduit la production vivrière, accentuant la pénurie sur les marchés et faisant grimper les prix des denrées. Résultat : une dépendance accrue aux produits importés, inaccessibles pour de nombreux ménages.
La situation contribue à aggraver une crise alimentaire déjà inquiétante. Selon la Banque mondiale, près de 250 000 Camerounais vivent actuellement une insécurité alimentaire grave ou élevée. L’exploitation minière, en détruisant les terres cultivables, prive les populations de ressources vitales. À cela s’ajoute la contamination des cours d’eau par le mercure et les huiles de moteur, qui réduit la pêche, autrefois pilier de l’alimentation locale.
Outre les terres agricoles, 2 614 hectares de forêts ont été détruits par les activités minières. Cette déforestation fragilise les écosystèmes, appauvrit les sols et réduit la biodiversité. Sans régulation, les projections indiquent que la superficie exploitée à Batouri pourrait atteindre 7 500 hectares d’ici 2040.
Face à cette situation alarmante, FODER appelle à la création de comités locaux de surveillance, à une réglementation plus stricte des produits chimiques et à la réhabilitation des sites miniers dégradés. Mais pour les populations, il y a urgence. « Ce que nous demandons, c’est simple : qu’on nous rende nos terres ou qu’on nous donne les moyens de survivre autrement », plaide Paul, chef traditionnel de Kentzou.