Malgré les défis techniques et hydrologiques, la centrale hydroélectrique de Songloulou demeure au cœur du système électrique camerounais. Une visite organisée par Eneo le 8 mai 2025 a permis de faire le point sur l’état de cette infrastructure stratégique, son rôle dans le Réseau Interconnecté Sud, et les investissements en cours pour garantir sa performance face à une demande énergétique croissante.
Située sur le fleuve Sanaga, la centrale hydroélectrique de Songloulou reste la principale source d’énergie du Réseau Interconnecté Sud (RIS) du Cameroun. Avec une capacité installée de 384 MW répartie sur huit groupes de 48 MW, elle a souvent dépassé cette puissance nominale, atteignant jusqu’à 400 MW. En 2024, elle a assuré 38 % de la production du RIS, malgré la montée en puissance de Nachtigal. Son taux d’utilisation avoisine les 90 %, un des plus élevés au monde, preuve de sa fiabilité. Cette performance repose sur un entretien rigoureux et des investissements constants dans la modernisation des équipements.
Le principal défi auquel fait face Songloulou est la Réaction Alcali-Granulat (RAG), un phénomène connu depuis les années 1980 et qui fragilise les structures en béton. Ce phénomène, bien documenté à l’international, se manifeste par des fissures et des gonflements. Pour y faire face, Eneo a mis en œuvre le programme DAM SAFETY, destiné à renforcer et à sécuriser le barrage. La phase 1, entre 2015 et 2024, a mobilisé plus de 11 milliards de francs CFA. Elle a permis de stabiliser l’infrastructure grâce à des études poussées, en partenariat avec Hydro-Québec. La phase 2, déjà amorcée, prévoit plus de 60 milliards d’investissements pour prolonger la durée de vie du barrage d’au moins 30 ans.
Le fonctionnement optimal de Songloulou dépend de la régulation du fleuve Sanaga, assurée par les barrages de Lom Pangar, Bamendji, Mapé et Mbakaou. Ces réservoirs doivent être remplis à la fin de chaque année pour garantir des volumes suffisants en saison sèche. En 2025, un déficit de remplissage de 2 milliards de m³ combiné à une sévère période d’étiage a freiné la production dans les principales centrales. Malgré cela, Songloulou a maintenu une contribution de 35 % au mix énergétique du RIS entre janvier et avril 2025, confirmant son rôle central.
La mise en service de la centrale de Nachtigal (420 MW) redistribue les cartes du paysage énergétique national. En seulement quelques mois, Nachtigal atteint 31 % de la production du RIS, contre 21 % pour Edea. Si Songloulou conserve le leadership, cette évolution appelle une réflexion stratégique sur l’interconnexion et la complémentarité entre les infrastructures. Par ailleurs, la diversification des sources d’énergie – notamment l’intégration du solaire – devient un impératif face aux risques climatiques croissants.
Eneo, acteur historique du secteur, pilote cette transformation avec ses partenaires. L’entreprise ambitionne de renforcer la qualité du service électrique tout en maintenant des tarifs abordables. Depuis 2014, elle a permis à environ 10 millions de Camerounais d’accéder à l’électricité, faisant passer le taux d’électrification nationale de 56 % à 75 %. Avec 3600 employés et un actionnariat composé du fonds Actis (51 %), de l’État camerounais (44 %) et du personnel (5 %), Eneo inscrit son action dans la durée. Son engagement en matière de maintenance, d’investissement et d’innovation est une réponse aux besoins d’un secteur énergétique en constante évolution. À l’heure où le Cameroun doit répondre à une demande croissante d’électricité (+7 % par an), Songloulou reste une pièce maîtresse du dispositif national. Sa fiabilité, soutenue par des programmes ambitieux de réhabilitation, lui permet de rester compétitive face à de nouveaux acteurs comme Nachtigal. La transition énergétique est en marche, et Songloulou y participe activement, entre modernisation et stabilité.