« Nous travaillons pour amélioration de la gouvernance pour qu’elle soit de plus en plus transparente et responsable » – Dr Samuel BIROKI, Président de la Plateforme Nationale des Organisations de la Société Civile du Cameroun (PLANOSCAM)

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Pouvez-vous présenter PLANOSCAM (Plateforme Nationale des Organisations de la Société Civile du Cameroun), et quel est le centre d’intérêt de cette plateforme ?

Dix ans après la promulgation de la loi N°90/053 du 19/12/1990 portant liberté d’association, PLANOSCAM est créée en décembre 2010 à la suite d’un processus de concertation entre le Gouvernement, les Partenaires aux Développement et la Société Civile, dans le cadre d’un programme dénommé PASOC (Programme d’Appui à la Structuration de la Société Civile). Ce programme était cofinancé par l’Etat du Cameroun et les Partenaires Techniques et Financiers (PTF) représentés par l’Union Européenne. C’était un dispositif piloté par un expert international (Christophe Courtin), de 2007 à 2011. PLANOSCAM est donc l’aboutissement de négociations tripartites et d’écoute des citoyens au cours des séminaires et ateliers organisés sur l’ensemble du territoire national par le PASOC.

Le centre d’intérêt de PLANOSCAM est : l’appropriation par les Organisations de la Société Civile (OSC), des mécanismes de concertation avec l’Etat du Cameroun et ses Partenaires au Développement. Dans sa Charte adoptée en décembre 2010, son objectif était centré sur la concertation permanente entre ses membres et la coordination de leur représentation face aux autres acteurs, pour construire et animer une parole citoyenne dans l’espace public, veiller sur la cohérence des politiques et sur la planification du développement en lien avec les priorités des citoyens.

PLANOSCAM a récemment publié un Plan Stratégique 2025-2030 ; pouvez-vous nous indiquer en quelques mots le contexte dans lequel se situe la mise sur pied de ce Plan ?

PLANOSCAM aura quinze ans de vie en décembre 2025 et va progressivement passer de l’enfance à l’âge adulte. Elle doit par conséquent affirmer sa maturation par son positionnement et sa contribution dans les cadres de dialogue créés par les pouvoirs publics et les PTF, ainsi que sa capacité à influencer les décisions qui se prennent et qui ont un impact sur le bien-être des citoyens. Bien sûr que l’environnement social et médiatique est saturé par des discours, débats et commentaires sur l’avenir politique de notre pays, mais la Société Civile doit exprimer sa neutralité et la singularité de ses opinions qui lui permettent de prendre des positions sans peur ni faveur dans les débats sur le progrès social et économique du pays.

Construire une Société Civile Robuste à travers le développement institutionnel. Que faut-il concrètement comprendre ?

Depuis le Forum à haut niveau d’Accra de septembre 2008 sur l’Efficacité de l’Aide au Développement, la Société Civile a été reconnue comme un « Acteur au Développent à part entière et avec droit d’initiatives ». Pour concrétiser cette déclaration de la communauté internationale, les OSC doivent travailler à faire connaître leur personnalité en tant qu’institution efficace et déterminante pour le développement durable du pays, dotée d’une gouvernance propre et d’une organisation robuste et bien structurée. C’est à cela que PLANOSCAM s’investit pour avoir des démembrements à travers le territoire. Son plaidoyer vise également la reconnaissance par les autres institutions, de son rôle en tant qu’acteur du développement à part entière.

Autonomiser financièrement les Organisations de la Société Civile passe par des stratégies. Laquelle est choisie par PLANOSCAM ?

L’indépendance financière est un objectif noble pour toute organisation marchande ou non marchande. Les Ressources financières de PLANOSCAM proviennent des adhésions et cotisations de ses membres mais aussi, des prestations de services aux tiers, des subventions reçues dans le strict respect des lois et réglementations en vigueur.

De ce point de vue, la stratégie de PLANOSCAM porte tout d’abord sur la prestation des services intellectuels aux administrations publiques centrales et décentralisées, ainsi qu’aux PTF et aux entreprises du secteur public. En quelque sorte, PLANOSCAM se comporte comme un Bureau d’Etudes, ou un Cabinet Conseil, pour répondre aux appels à projets ou aux appels à manifestation d’intérêt offerts par les différents partenaires. Une Task Force est déjà créée en son sein à cette fin. Toutefois, au regard du caractère imprévisible et improbable de ces financements, PLANOSCAM propose la création d’une ligne budgétaire dans la Loi de Finance, qui soit dédiée à la Société Civile et de la doter de ressources conséquentes lui permettant de mener ses actions selon ses propres perspectives. Cette dernière proposition s’inscrit en droite ligne des engagements internationaux pris à Accra et Busan, de financer les OSC pour leur permettre de jouer pleinement leur rôle d’actrices indépendantes du développement, et de veiller tout particulièrement à la qualité de la gouvernance de leur pays.

La voix de la Société Civile gagne progressivement le terrain dans le débat sur les politiques publiques. Cette voix bouge-t-elle véritablement les lignes ? Ou c’est simplement une illusion consultative ?

Je me réjouis tout d’abord de votre constat selon lequel, la voix de la Société Civile gagne progressivement du terrain. Notablement, la voix de la Société Civile se fait entendre dans plusieurs domaines de la vie nationale dès lors qu’elle est impliquée dans de nombreux cadres de dialogue sur l’action publique. Quant à savoir si elle fait véritablement bouger les lignes, ma réponse, c’est oui ! à vous maintenant de vous assurer que ce n’est pas une illusion consultative. D’ailleurs, je vous dirais que nous dépassons déjà la simple consultation ou concertation ; nous sommes en situation de coproduction de l’action publique dans certains domaines de la vie de la nation, à l’instar du Budget Citoyen que nous élaborons avec le Ministère des Finances et dont la Société Civile assure toute seule la vulgarisation dans les Communes et localités du pays.

La voix de la Société Civile est moins, voire pas du tout ressentie dans les zones reculées du Cameroun. Que prévoit PLANOSCAM pour assurer un maillage territorial à large spectre ?

Vous avez raison de faire cette observation. Toutefois ce qu’il faudrait savoir est que PLANOSCAM se préoccupait tout d’abord de sa survie au niveau central. Pour l’instant, le déploiement va se faire vers la périphérie.

Le Plan Stratégique récemment adopté nous permet d’aller à la conquête des Régions pour la création et l’implantation des Agences régionales. L’étape des départements et des Communes suivra en fonction des ressources et des appuis dont nous pourrons bénéficier. Bientôt, PLANOSCAM cessera d’être une organisation urbaine voire, métropolitaine, mais territorialement intégrée.

Pour une plus forte visibilité, votre action nécessite forcément une stratégie de communication. Disposez-vous de moyens et des relais conséquents ?

S’agissant de sa visibilité, l’ambition est de travailler avec les médias officiels et privés de l’audiovisuel, ainsi qu’avec le presse écrite et numérique. Nous faisons fréquemment des interviews dans l’émission « Gouvernance » de la CRTV Radio, et nous intervenons assez souvent sur certains plateaux de télévision. Nous disposons d’un site web, d’un compte Facebook et d’un compte twitter. Nous avons déjà créé un magazine thématique dénommé CIMPA (Citizen Monitors of the Public Action), qui est largement distribué y compris en ligne.

Nous comptons amplifier notre partenariat avec l’ensemble des médias parmi lesquels les radios communautaires et les chaînes internationales.  Nous vous remercions pour votre Journal Conjoncture Economique, qui nous ouvre la porte pour une nouvelle coopération. Nous espérons pérenniser ce partenariat.

Les mutations tous azimuts perturbent quelques fois l’action de la Société Civile. Y a-t-il des procédés existants pour renforcer les intérêts de cette société, en cas de perturbations sociopolitiques et économiques ?

Votre question m’amène à faire un peu d’histoire. En vérité, la Société Civile a traversé plusieurs écueils depuis son émergence en 1775 et son ancrage dans l’univers politique jusqu’en 1918. Cette période-là était marquée par la lutte des classes, les mouvements ouvriers, la chute des monarchies, et la Première Guerre Mondiale (1914-1918). L’espace civique s’était fortement rétréci, et le travail citoyen devenu de plus en plus difficile. Par la suite, bien que muselée, la Société Civile a survécu aux dictatures et aux populismes des années 1935 à 1944, et à l’Etat-providence, interventionniste et ombrageux qui a duré au Cameroun de 1960 à 1990. La Société Civile œuvre sur le champ de l’humanitaire et des droit humains depuis 1972, et dès 1992, elle travaille en coopération avec certaines ONG internationalisées ou globalisées, à l’instar de Greenpeace, Médecins Sans Frontières, Médecins du Monde, Amnesty International, Reporters Sans Frontières, Transparency International, Standard & Poor, OXFAM, Human Rights Watch…

L’histoire peut se répéter et comme vous le dites, avec l’occurrence des perturbations sociopolitiques et économiques. À cette préoccupation, je dirais que nous avons changé d’époque Un recul en matière de démocratie et des libertés PUBLIQUES amènerait des réactions de toutes les forces sociales et politiques, ce qui n’est pas souhaitable. Nous travaillons pour amélioration de la gouvernance pour qu’elle soit de plus en plus transparente et responsable. La révolution cybernétique avec la diversité des canaux d’information et de communication rendrais très difficile un musellement systématique et durable de la voix de la Société Civile. 

Outre le Plan Stratégique récemment publié, quelles sont les autres actions fortes posées par PLANOSCAM pour le développement du Cameroun ?

PLANOSCAM est en activité permanente pour le développement du Cameroun, en témoigne sa participation effective et efficace dans les nombreux cadres de concertation avec le Gouvernement, le Parlement et les Partenaires au Développement. Ses prises de position vont toujours dans le sens du renforcement de la justice sociale, de l’équité, d’une gestion des ressources axée sur les résultats et des impacts qui améliorent le vécu des citoyens pauvres et vulnérables. Une énumération des actions de PLANOSCAM serait un exercice très laborieux au regard de l’intensité de son engagement dans le contrôle citoyen de l’action publique.

Le Plan Stratégique étant à disposition, quel est le message que vous adressez aux pouvoirs publics pour son implémentation effective ?

Disons tout d’abord que PLANOSCAM existe grâce à la volonté politique et le Gouvernement de la République y a pris une part active. Le message à lui adressé est : Ensemble, avançons résolument vers un Cameroun plus juste, inclusif et prospère !

Propos recueillis par Jean-Claude KENDEG

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