Fibre optique – Le Cameroun classé dernier mondial malgré des investissements massifs

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Malgré un réseau de 15 000 km de fibre déployé et la traversée de cinq câbles sous-marins, le Cameroun se retrouve à la 93e et dernière place du « Fiber Development Index 2024 », selon une enquête conjointe de la WBBA et du cabinet Omdia. Un classement qui met en lumière les lacunes structurelles d’un secteur stratégique.

Le dernier rapport publié par l’Association mondiale du haut débit (WBBA) en partenariat avec Omdia, classe le Cameroun 93e sur 93 pays évalués dans le cadre du « Fiber Development Index analysis 2024 ». Ce classement repose sur sept indicateurs clés, dont la pénétration de la fibre dans les foyers (FTTH), les entreprises (FTTBusiness), les sites mobiles, ainsi que la vitesse de téléchargement et la latence. Le Cameroun, qui avait déjà obtenu une faible note de 7/100 en 2023, chute davantage en 2024 avec un score de 4/100. Ce recul intervient malgré les ambitions affichées par le pays en matière de transformation numérique. Avec ses 15 000 km de fibre optique installés à fin 2023 et des prévisions de 3 500 km supplémentaires en 2024, le Cameroun figure comme le seul pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) à apparaître dans ce classement mondial.

Le Cameroun est pourtant traversé par cinq câbles sous-marins majeurs – SAT3, WACS, SAIL, NCSCS et ACE (ce dernier toujours en attente de son point d’atterrissement). Ces infrastructures stratégiques devraient en théorie permettre un accès rapide et fiable à Internet sur tout le territoire. Or, selon un rapport de la Société financière internationale (SFI) présenté en 2022, seulement 15 % de la capacité du câble SAT3 et 30 % de celle du WACS sont actuellement exploités, bien qu’ils soient en service depuis plus de 17 ans. Cette sous-utilisation révèle une inadéquation entre l’infrastructure disponible et les capacités de gestion, de distribution ou de commercialisation à l’échelle nationale. Le « fiber gap », c’est-à-dire les zones non couvertes ou mal desservies par la fibre, concernait encore environ 14 millions de personnes en 2020, soit plus de la moitié de la population camerounaise.

Malgré ces failles, le pays a connu des avancées dans le secteur numérique. Le taux de pénétration du haut débit mobile est passé de 18 % en 2018 à 39 % en 2022, selon les chiffres du ministère des Postes et Télécommunications. Une performance qui montre que les investissements dans le haut débit ont un impact mesurable, bien qu’encore insuffisant pour hisser le Cameroun à la hauteur de ses ambitions. Le rapport de la WBBA recommande aux pays du groupe 3 – catégorie à laquelle appartient le Cameroun – d’opter pour une stratégie hybride : développer dans un premier temps des technologies alternatives comme les connexions sans fil fixes, tout en préparant un passage progressif et structuré vers la fibre optique.

À l’échelle africaine, des pays comme l’Île Maurice, l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire, l’Égypte et le Ghana dominent le classement 2024, prouvant qu’un environnement politique favorable, une régulation efficace et une vision cohérente peuvent faire la différence. La Côte d’Ivoire, notamment, a bondi du top 10 au top 3 en un an. Le Cameroun, malgré sa position géographique stratégique et son potentiel de connectivité exceptionnel, reste donc à la traîne. Pour inverser la tendance, le pays devra mieux exploiter ses câbles sous-marins, accélérer la couverture nationale en fibre, réduire la fracture numérique et surtout assurer une gouvernance plus efficace du secteur des télécoms.

Le classement de la WBBA et d’Omdia est un signal fort adressé aux décideurs camerounais. Si les infrastructures existent, leur exploitation reste faible, bridant ainsi le potentiel de transformation digitale du pays. Le Cameroun doit désormais passer de la théorie à la pratique pour ne pas rater le virage de l’économie numérique.

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