Dans un rapport accablant, la Chambre des comptes de la Cour suprême du Cameroun sonne l’alarme sur la situation financière critique de la Compagnie camerounaise d’aluminium (Alucam). Pour éviter l’arrêt de son activité fonderie, l’entreprise, détenue majoritairement par l’État, doit être recapitalisée à hauteur de 43 milliards FCFA. Le document pointe également une gestion financière opaque, des pertes abyssales et une baisse drastique de la production.
La Chambre des comptes, à l’issue d’un audit couvrant la période 2017-2021, a recommandé une recapitalisation urgente de 43 milliards de FCFA pour Alucam. Selon le rapport publié le 10 avril 2025, cette injection financière est essentielle pour relancer l’activité de fonderie et atteindre une production annuelle de 110 000 à 120 000 tonnes d’aluminium primaire. Sans cette opération, l’organe de contrôle n’exclut pas une éventuelle cessation d’activité.
Le rapport met en lumière une situation financière en dégradation continue. Entre 2017 et 2021, le chiffre d’affaires d’Alucam a chuté de 123,4 à 91,9 milliards de FCFA, avec un plus bas à 77,8 milliards en 2019. Pire encore, la société a cumulé un déficit net de 45,6 milliards FCFA sur la période. Seule l’année 2021, marquée par la fusion avec la SOCATRAL, a permis un fragile retour à l’équilibre. La production, elle, a suivi la même tendance, passant de 73 759 tonnes en 2017 à seulement 34 431 tonnes en 2021, soit une baisse de 53 %. Cette chute brutale n’a pas été compensée par une réduction adéquate des charges fixes, aggravant les pertes. Ainsi, la rentabilité de l’activité fonderie est passée de +6,3 milliards FCFA en 2017 à -37,8 milliards FCFA en 2021.
Outre les contre-performances financières, le rapport dénonce une « fiabilité des comptes incertaine », révélant des anomalies comptables, des écarts inexpliqués entre exercices et des irrégularités bancaires. Les commissaires aux comptes, en poste depuis 2004 — notamment PricewaterhouseCoopers et SEACA — sont également pointés du doigt pour la durée anormalement longue de leurs mandats. Le bilan pour les exercices postérieurs n’est pas plus reluisant. À fin 2023, les capitaux propres d’Alucam restent négatifs à hauteur de 28,3 milliards FCFA, avec une perte nette de 23,6 milliards FCFA sur l’année. La situation est telle qu’un tiers pourrait légalement demander la dissolution de la société.
Face à cette impasse, la Chambre des comptes recommande plusieurs mesures pour restaurer la compétitivité d’Alucam. Il s’agit notamment de céder les actifs non stratégiques (terrains à Douala et Édéa, participations dans des sociétés de services), de renouveler les commissaires aux comptes et de relancer la fonderie par l’optimisation des coûts et une meilleure stratégie commerciale. Parallèlement, l’État camerounais mène depuis 2022 des négociations avec des partenaires internationaux, dont le Fonds international pour la conservation de la nature tropicale (ITCF), le groupe BHF et la Banque publique d’investissement (BPI), en vue de renforcer les fonds propres d’Alucam. Toutefois, l’issue de ces tractations demeure, à ce jour, confidentielle.
Créée en 1954, Alucam a longtemps été un fleuron de l’industrie camerounaise. Son avenir s’est assombri depuis le retrait de l’actionnaire Rio Tinto en 2015 et le passage sous contrôle majoritaire de l’État. La fusion avec SOCATRAL en 2020 n’a pas suffi à enrayer sa descente aux enfers. Aujourd’hui, l’entreprise est à la croisée des chemins : entre relance ambitieuse et liquidation imminente.