Mis en défaut d’investissement depuis des décennies, confié gracieusement aux entreprises étrangères notamment AES-Sirocco Limited, filiale de AES Corporation puis Actis, le fonds d’investissement britannique qui contrôle actuellement la compagnie d’électricité Eneo Cameroun. Le secteur de l’énergie électrique fait face à la rigueur du capitalisme, une situation entretenue au gré d’intérêts financiers par une horde de compatriotes, ce depuis la privatisation de la Société nationale d’électricité (Sonel) le 17 juillet 2001.
À la tête de la Sonel de mai 1974 à avril 1984, puis de septembre 1989 à juillet 2001. Marcel Niat Njifenji aura pendant 27 ans de management, joué un rôle fondamental dans le secteur énergétique au pays de Paul Biya. Dans les années 70, le Cameroun se projette et entend se positionner au niveau le plus haut en Afrique et tutoyer les grandes économies. Son projet énergétique n’est pas seulement de donner de l’énergie aux industries pour se développer et électrifier le pays jusque dans les fins fonds des villages.
Il est aussi question d’alimenter la sous-région Afrique central et pourquoi pas l’Afrique du Nord. Marcel Niat Njifenji est choisi en 1974 et à la responsabilité d’implémenter cette vision. Conscient de la mission, il établit une programmation de l’électrification du Cameroun sur la base d’études du potentiel hydroélectrique, et des exigences de développement de la consommation puis des objectifs du gouvernement. Au début des années 2000, un diagnostic du secteur énergétique camerounais réalisé par la Banque Mondiale assure que le taux de couverture se situe à 70 %, à 15% seulement de la norme internationale fixé à 85%. Pour réaliser cet objectif, le directeur général de l’époque Marcel Niat Njifenji exprime un besoin de financement afin de s’arrimer à la norme internationale et poursuivre la modernisation du secteur. Face à certains intérêts personnels, la demande de Niat ne connaîtra pas son épilogue. Un petit groupe d’acteurs impliqués dans la quête de la bonne solution, va choisir l’option de la privatisation adossée au versement en sourdine de rétro-commissions.
Rappelons, c’est le 18 Mai 1974 que la Société Nationale d’Electricité du Cameroun (Sonel) voit le jour. Société anonyme et d’économie mixte à caractère industriel et commercial d’après les statuts adoptés. Outre la mission de prendre en charge les distributions publiques dans l’ex-Cameroun Occidental, celle-ci a pour objet la production, le transport, la distribution de l’énergie électrique au Cameroun.
35 années de coupures intempestives d’électricité
24 ans après la première privatisation de la Sonel au bénéfice de AES-Sirocco Limited et 11 ans après la seconde qui a vu Actis reprendre les 56% des parts de Aes-Sonel. Le Cameroun fait de plus en plus face aux coupures. Si en 2002, le pays faisait déjà face à des délestages massifs de production. Peu à peu la construction et la mise en service des barrages tels que Memve’ele et Lom Pangar, ont permis de résorber le problème de production. Ceci qui a permis d’accroître de +170 MW la puissance additionnelle garantie du barrage de Songloulou. Malgré la poursuite de ces efforts conjoncturels avec la mise en service récente du barrage hydroélectrique de Nachtigal (420 MW), les secteurs du transport et de la distribution font toujours défaut.
Réseau de transport vétusté, équipements défectueux, de Aes-Sonel à Eneo, il n’y a pas eu de véritables investissements dans le secteur de l’énergie électrique au Cameroun. Qu’il s’agisse des appareils de coupure ou de protection, l’ensemble du réseau distribution/transport affiche une vétusté hors de prix. Au moment où Actis affiche de plus en plus son envie de quitter le Cameroun. Sur 1,6 million de poteaux en bois, 900 000 sont défectueux et nécessitent d’être remplacés, l’option de poteaux en béton ayant été choisie par le Gouvernement camerounais.
Selon les experts, « Même si le Cameroun construit autant de barrages possibles, il y aura toujours des coupures d’électricité car l’énergie n’arrive pas toujours chez le consommateur final ». À Douala, ville industrielle qui consomme 80% du flux énergétique du pays, les 420 MW de Nachtigal ne sont pas encore à la disposition des consommateurs. Raison évoquée, la ligne HT 400 KV censée alimenter la capitale économique n’est pas achevée, les indemnisations seraient à l’origine de ce retard selon plusieurs sources.
Sonatrel, héritier d’un réseau de transport pourri
La création le 8 octobre 2015 de la Société nationale de transport de l’électricité (Sonatrel) intervient dans un contexte assez particulier. En effet, à la période sous revue, plus de 50% des poteaux électriques dans le pays doivent être remplacés, parce qu’étant déjà pourris et « des investissements de l’ordre de 850 milliards de Fcfa doivent être consentis, afin de moderniser le réseau de transport d’électricité au Cameroun », signale la Banque Mondiale. Selon le décret présidentiel créant la Sonatrel, cette dernière assurera désormais « le transport de l’énergie électrique et la gestion du réseau de transport, pour le compte de l’Etat ».
Alors que les défis liés au transport de l’énergie électrique restent perceptibles, 7 années après sa prise de gestion effective du réseau de transport, la Sonatrel a entrepris quelques actions sur le terrain. Bien que conforté par un décret présidentiel, la réalité démontre que le fort potentiel hydraulique estimé à 12 miliiards m3 reste à l’épreuve du transport et de la distribution. Deux secteurs clés où des investissements massifs devraient être opérés, le temps de la renationalisation.