Dette souveraine en zone CEMAC – Le Cameroun mise sur Bloomfield pour une notation financière « Made in Africa »

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En pleine réflexion sur la diversification de ses sources d’évaluation du risque souverain, le Cameroun a entamé des discussions avec Bloomfield Investment Corporation, une agence de notation financière basée à Abidjan. Une démarche stratégique visant à renforcer l’autonomie financière africaine, après des expériences mitigées avec les grandes agences internationales.

Le Cameroun s’apprête à franchir une nouvelle étape dans sa stratégie de gestion de la dette publique. Le pays négocie actuellement avec l’agence ivoirienne Bloomfield Investment Corporation pour obtenir une notation financière locale. L’annonce a été faite le 11 avril 2025 à Yaoundé par Eloi Tiigribe, sous-directeur du Plan de trésorerie au ministère des Finances, en marge du colloque sur la dette souveraine des États de la CEMAC.

Cette initiative s’inscrit dans une dynamique régionale visant à promouvoir une évaluation plus contextualisée des risques souverains. « Nous avons des discussions en cours avec Bloomfield Investment, qui se propose de noter les États de la CEMAC », a indiqué Eloi Tiigribe, saluant une démarche déjà expérimentée avec succès dans la zone UEMOA.

L’exemple équato-guinéen comme catalyseur

Quelques heures avant cette annonce, la Guinée équatoriale devenait le premier pays de la CEMAC à recevoir une notation de Bloomfield, avec une note de BBB à long terme et A2 à court terme, assorties de perspectives stables. Ce processus, soutenu par des institutions telles que la BAD, la BEAC et le FMI, repose sur une méthodologie rigoureuse et adaptée aux réalités africaines.

Stanislas Zézé, directeur général de l’agence, a souligné l’implication directe des institutions financières locales dans l’évaluation. Une approche de proximité saluée par plusieurs acteurs économiques comme une alternative crédible aux agences occidentales.

La défiance face aux agences internationales

Le Cameroun cherche également à se protéger contre les effets parfois arbitraires des notations internationales. En août 2023, Standard & Poor’s avait brusquement dégradé la note du pays à SD/SD (défaut sélectif) pour des retards techniques de paiement. Cette décision avait été vivement critiquée par les autorités camerounaises, qui soulignaient l’inadéquation des critères d’analyse aux réalités locales.

Deux jours plus tard, l’agence américaine révisait sa note à CCC+/C, atténuant la crise de confiance mais laissant subsister un sentiment d’injustice. Cet épisode a relancé le débat sur la pertinence des méthodes d’évaluation appliquées par S&P, Moody’s ou Fitch dans le contexte africain.

Vers une souveraineté africaine en matière de notation

Créée il y a 16 ans, Bloomfield Investment s’est imposée comme la référence francophone en matière de notation, avec plus de 2 000 notations attribuées à travers le continent. Son approche intégrant les spécificités économiques, sociales et politiques africaines en fait un acteur de choix pour les pays souhaitant reprendre la main sur leur image financière.

Mais la question de la crédibilité des agences locales reste posée. Eloi Tiigribe insiste : « L’indépendance vis-à-vis des États et la communication régulière sont les clés de leur légitimité. » Il évoque l’exemple de la Chine, où une agence locale rivalise désormais avec les mastodontes mondiaux.

Pour le Cameroun, la démarche s’inscrit dans une volonté plus large de bâtir une culture locale de la notation, capable de soutenir son développement financier sur des bases plus justes et adaptées. Un signal fort envoyé à l’Afrique francophone, en quête d’autonomie et de transparence dans la gouvernance de sa dette.

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