Projet Camspace – Le satellite de la Compassion

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À l’ère de la révolution technologique, le Cameroun devrait d’ici fin juin 2025, sauf report, connaître les résultats de l’étude commandée au Groupe Euroconsult. Ce cabinet mondial de conseil en stratégie spécialisé dans le secteur spatial et les secteurs liés aux satellites, avait été désigné adjudicataire d’un marché de plus de 2 milliards FCFA. Un deal portant sur la réalisation d’une étude de faisabilité technique pour la mise en œuvre d’un programme spatial au Cameroun.

L’industrie spatiale africaine affiche une dynamique assez encourageante au plan global. À en croire le Rapport Annuel 2023 de l’entreprise de conseil Space in Africa, 56 satellites actifs ont déjà été lancés par 17 Etats africains, 300 entreprises spatiales ont émergé sur le continent ce qui a généré 19000 emplois dont 11000 sont gouvernementaux.  À mi-parcours du 1er semestre 2025, et sans date connue pour la présentation officielle des résultats de l’étude technique du groupement d’entreprises Euroconsult, Integc Sarl et Digiglobe. Minette Libom Li présentait la vision et les répercussions du projet Camspace sur le tissu économique, une étape clé pour le Cameroun qui veut rejoindre le panthéon des nations africaines déjà sur orbite.

Face aux parlementaires le 21 juin 2024, Minette Libom Li Likeng, ministre des Postes et Télécommunications avait été explicite sur les ambitions du gouvernement pour le programme spatial. Selon elle, cet ambitieux projet, s’il est mis en place, devrait révolutionner de nombreux secteurs économiques, sociaux et faire du pays un leader technologique sur le continent africain. Devant les plaintes sans cesse croissante des consommateurs de services numériques divers, la mise en orbite de satellites nationaux offrirait des avantages significatifs en matière de connectivité Internet, de sécurité et de défense, du contrôle des frontières, l’agriculture, l’urbanisme, l’environnement et les ressources minières. À en croire la firme française Euroconsult chargée des études de faisabilité, le programme Camspace permettrait de connecter à Internet 15 000 villages, 23 000 écoles primaires (dont 14 000 situées en zones rurales), 4400 écoles secondaires et 6000 structures de soins, y compris 4500 petits dispensaires.

Quant à la célérité du service public, il mettrait fin à la limitation actuelle de la bande passante, améliorant ainsi l’efficacité et l’accessibilité des services de l’État. Pour ce qui est de la défense du territoire, le consultant précise que les satellites seraient indispensables pour la surveillance quotidienne des 4600 km de frontières terrestres du Cameroun, avec une zone tampon de 100 km pour détecter les activités suspectes et prévenir les incursions. Côté Marine nationale et Douanes, les satellites aideraient à surveiller les 16500 km² de la zone économique exclusive, protégeant ainsi contre la pêche illégale, le transbordement clandestin et la piraterie.

Outre le soutien à la cartographie des 475 000 km² de surface du territoire, la gestion cadastrale de 2500 km² de zones urbaines et le suivi de 400 km de côtes. Donner vie à Camspace offrira une aide précieuse dans la gestion des catastrophes naturelles sur environ 100 000 km², et améliorerait la gestion de la météorologie, de l’hydrologie, des ressources minières, ainsi que des taxes et subventions liées à la production agricole sur 3 000 km² de terres cultivées. Par ailleurs, il serait un soutien de poids pour le maintien des infrastructures routières et ferroviaires.

Alors que la facture actuelle du Cameroun pour l’acquisition d’images satellitaires s’établit à environ 3 millions de dollars,que 10 voire 15 millions de dollars devront être dépensés à moyen terme.  Mettre en place un satellite est un moyen relatif de réduire à long terme, non seulement le coût de la facture dédiée à l’acquisition des images satellitaires, mais c’est aussi la voie idéale au développement de la compétence locale via des sessions de formations d’experts en industrie spatiale.

Camspace, un projet ambitieux aux dépenses astronomiques

Selon des experts de l’industrie spatiale, tout projet spatial répond à un enjeu scientifique, ou est une démonstration technologique. Pour le cas spécifique du Cameroun, il y’a en prime un lot d’exigences et de contraintes. Déjà en juin 2024, le Minpostel avait précisé après avis du consultant Euroconsult, que le pays de Paul Biya n’envisage pas, pour l’instant, de construire un site de lancement d’engins spatiaux. Raison évoquée, des contraintes géographiques du pays, la faible attractivité du projet pour les sociétés commerciales et une non-rentabilité certaine.

Vu sous cet angle, où le Cameroun envisagerait-il de lancer son futur satellite ? La souveraineté nationale est-elle prise en compte ? Quel type de satellite le pays voudrait-il mettre en orbite et à quel coût ? Ces quelques questions demeurent pour l’heure sans réponses. D’après Global Com, construire une machine aussi complexe nécessite des ressources considérables. En effet, une grande partie du coût réside dans l’équipement embarqué notamment des transpondeurs, ordinateurs et caméras… Etc. Exemple à l’appui, pour construire un satellite météorologique classique, il faut dépenser 290 millions de dollars ; pour un satellite espion en moyenne 100 millions de dollars supplémentaires. À cela s’ajoutent les dépenses d’entretien et de réparation. A côté des coûts variants selon le type de satellite, un autre facteur important concernant les satellites est le coût du lancement. En fait, le lancement d’un seul satellite dans l’espace peut coûter entre 10 et 400 millions de dollars, selon le véhicule utilisé.

Le satellite, opportunité et dérision pour les opérateurs de téléphonie

Si les satellites télécoms par exemple, représentent une opportunité unique pour réduire la fracture numérique. Au Cameroun, l’on se souvient encore du bref passage de Starlink qui avait inquiété les autorités camerounaises, lesquelles redoutaient que l’offre de la firme américaine représente une menace pour Camtel, l’opérateur public des Télécoms. « Nous savons qu’au Cameroun, il y a Camtel qui est l’opérateur historique. C’est le seul qui est compétent pour gérer les infrastructures de transport. Si Camtel ne se réveille pas pour être performant, Starlink va le balayer », avait alors déclaré Minette Libom Li Likeng. L’initiative de mettre en place Camspace, si elle est concrétisée, devrait soumettre les entreprises téléphoniques à payer pour la bande passante satellite, tout comme les propriétaires de téléphones portables devront payer pour la transmission de la voix et des données. Ceci pourrait donc découler sur la genèse d’un potentiel impôt sur les communications tant pour les consommateurs, que pour les compagnies de téléphonie.

Sur les conseils du FMI, de la Banque mondiale et de l’Union internationale des télécommunications (UIT), la plupart des États africains se sont engagés bon gré mal gré dans la libéralisation de leurs marchés des télécommunications. Le Cameroun n’étant pas en reste, la mise en orbite d’un satellite quel que soit son type devrait avoir un impact sur les cahiers de charges des opérateurs tels que Orange Cameroun, MTN Cameroon et même Camtel.

Avec un service satellitaire illimité et accessible en tout lieu, les bénéfices des opérateurs télécoms pourraient être revus à la baisse compte tenu de nouvelles tarifications et leur contribution dans le tissu économique pourrait sans doute diminuer. À l’occasion des célébrations de ses 25 ans au Cameroun, Orange un des opérateurs de téléphonie mobile et fournisseur d’accès internet a revendiqué des investissements pouvant atteindre 1 500 milliards de FCFA en un quart de siècle. Du peu que l’on sait, l’opérateur affirme avoir participé au reboisement de 1000 hectares de mangrove, avec 244 hectares reboisés et plus de 600 000 arbres plantés. Orange a également réhabilité, depuis l’an 2000, 11 écoles et a fait bénéficier 32 autres de supports d’enseignement via le numérique.

Le temps de voir publié les résultats de l’étude technique confiée à Euroconsult par l’Etat du Cameroun. Le projet spatial du pays navigue entre nécessité et concussion. Une grande partie de l’opinion jugeant le projet inutile, celle-ci le classe dans le cycle d’une nouvelle gabegie, dont l’objectif est pour une certaine élite aux affaires, de s’enrichir une fois de plus sur le dos des pauvres contribuables.

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