Commerce et consommation – Pourquoi la baisse des prix du riz mondial tarde à se répercuter ?

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Alors que les prix du riz chutent sur le marché international, les consommateurs camerounais peinent encore à en ressentir les effets. Entre la prudence des importateurs, les contraintes logistiques et les enjeux économiques, la baisse des cours mondiaux ne se traduit pas immédiatement dans les marchés locaux. Une situation qui pose la question de la dépendance du Cameroun aux importations et des perspectives d’une production locale plus compétitive.

Depuis octobre 2024, les prix du riz sur le marché international connaissent une baisse significative, notamment avec la levée des restrictions à l’exportation par l’Inde, premier fournisseur mondial. En février 2025, le riz thaïlandais brisé 5 % est passé à 437 dollars la tonne contre 470 dollars en janvier, et le riz vietnamien à 401,70 dollars contre 447,27 dollars. Une tendance baissière qui s’explique par une offre mondiale abondante, estimée à 543 millions de tonnes par la FAO.

Pourtant, au Cameroun, cette baisse tarde à se répercuter sur les prix locaux. Certes, une diminution des tarifs a été observée en avril 2024, avec des baisses de 70 à 90 FCFA par kilo pour certaines variétés importées d’Inde et de Thaïlande. Toutefois, ces ajustements restent bien en deçà de la chute des prix mondiaux. Aujourd’hui, un sac de 50 kg de riz brisé indien 25 % coûte encore 22 250 FCFA à Douala et 23 000 FCFA à Yaoundé.

Les importateurs camerounais expliquent cette lente transmission par la nécessité d’écouler d’abord leurs stocks achetés à des prix plus élevés. « Nous avons encore d’importants volumes acquis avant la baisse des cours. Tant que ces stocks ne sont pas vendus, il est difficile de réduire les prix », confie un opérateur du secteur.

D’autres invoquent la volatilité du marché et le risque d’une remontée des prix : « Une baisse prolongée peut être suivie d’une hausse soudaine. Nous devons rester prudents pour ne pas compromettre nos activités », explique un autre acteur du secteur. Cette posture freine donc une baisse immédiate et proportionnelle des prix du riz sur le marché local.

Face à cette situation, le ministère du Commerce assure suivre l’évolution des cours internationaux et dialoguer avec les importateurs pour garantir un équilibre entre leurs contraintes et le pouvoir d’achat des ménages.

Au-delà des prix à la consommation, la baisse des cours mondiaux du riz pourrait alléger la facture des importations du Cameroun. En 2024, le pays a dépensé 320 milliards FCFA pour importer 744 489 tonnes de riz, soit une hausse de 59 % par rapport à 2023. Si la tendance baissière se maintient, cette charge financière pourrait diminuer, réduisant ainsi la pression sur les réserves en devises.

Toutefois, cette dépendance aux importations reste un problème structurel. La moindre crise climatique ou géopolitique peut faire flamber les prix, mettant en péril la sécurité alimentaire du pays. Pour y remédier, le gouvernement mise sur le développement de la production locale, mais les résultats restent modestes.

En 2024, dans le cadre du Plan intégré d’import-substitution agropastoral et halieutique (Piisah), seules 452 tonnes de semences de riz ont été produites sur les 8 102 tonnes prévues. Sur les 426 000 hectares de terres agricoles sécurisés attendus, seulement 200 000 ont été recensés, dont 3 000 aménagés par un acteur privé.

Si le Cameroun veut véritablement réduire sa dépendance au riz importé et stabiliser durablement les prix, il doit accélérer le développement de sa production nationale. Malgré les investissements, les volumes locaux restent insuffisants face à une demande estimée à plus de 648 000 tonnes en 2024.

Pour que la baisse des prix mondiaux profite réellement aux consommateurs, une révision des stratégies commerciales des importateurs et un soutien renforcé à la filière locale apparaissent indispensables.

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