Un audit mené par la Chambre des comptes de la Cour suprême sur le programme 422 « Accès à l’énergie » du ministère de l’Eau et de l’Énergie (MINEE) a mis en lumière d’importantes anomalies dans la gestion des fonds alloués entre 2017 et 2021. Dans un rapport publié le 15 mars dernier, l’institution judiciaire pointe des indicateurs de performance « ni pertinents, ni fiables », des subventions massives pesant sur le budget de l’État et un manque de coordination dans la mise en œuvre des projets d’électrification.
L’un des principaux griefs formulés par la Chambre des comptes concerne la pertinence et la fiabilité des indicateurs de performance du programme 422. L’institution cite plusieurs cas d’incohérences flagrantes, notamment en 2019, où l’action 4, censée promouvoir les énergies renouvelables, visait paradoxalement à « augmenter la capacité de raffinage des hydrocarbures ». Une erreur de fond qui souligne l’inadéquation des objectifs fixés.
Autre exemple : en 2020, l’indicateur de résultat de l’action 3 sur l’accès aux produits pétroliers et au gaz se limitait à la « quantité de gaz domestique mise à la consommation », ignorant totalement la question des produits pétroliers. De telles imprécisions rendent difficile une évaluation rigoureuse des performances du programme, d’autant que certaines actions affichent des taux de réalisation non renseignés ou incohérents avec les crédits consommés.
Une gestion budgétaire problématique
Au-delà des faiblesses des indicateurs, la Chambre des comptes relève des irrégularités financières notables. En 2019, par exemple, l’action 1 du programme 422 disposait d’une dotation révisée de 377,2 millions de FCFA, mais les dépenses ont atteint 433,5 millions de FCFA, soit un dépassement inexpliqué. L’audit souligne également l’impact des subventions aux produits énergétiques sur le budget de l’État. Entre 2017 et 2021, ces subventions ont atteint 670,9 milliards de FCFA, dont 152,6 milliards pour les produits gaziers et 518,3 milliards pour les produits pétroliers. Paradoxalement, aucune allocation budgétaire spécifique n’était prévue pour l’action 3 du programme, concernant l’accès aux produits pétroliers et au gaz. Ces dépenses ont été financées par d’autres structures, notamment la Caisse de stabilisation des produits pétroliers, ce qui complique la lisibilité des comptes publics.
Une mise en œuvre des projets chaotique
Sur le terrain, l’exécution du programme d’accès à l’énergie souffre d’un manque de coordination. L’audit révèle que certains Délégués régionaux du MINEE ignoraient l’emplacement exact des installations solaires mises en place dans le cadre des projets « 184 et 166 localités équipées en systèmes solaires photovoltaïques ».
De plus, plusieurs entités ont lancé des projets similaires dans les mêmes localités sans concertation avec le ministère, entraînant une dispersion des ressources et une efficacité limitée. Cette absence de coordination témoigne d’une faiblesse structurelle dans la gestion des interventions en matière d’électrification.
Un point positif : les centrales solaires de Huawei
Malgré ces nombreux dysfonctionnements, la Chambre des comptes relève un aspect positif : les centrales solaires mises en place par l’entreprise chinoise Huawei. Ces infrastructures, rétrocédées à l’Agence de l’électrification rurale, ont été contrôlées sur place et jugées fonctionnelles, assurant une fourniture stable d’électricité aux ménages bénéficiaires.
Face à ces constats, la Chambre des comptes appelle à une refonte des indicateurs de performance du programme 422 pour les rendre plus pertinents et plus transparents. Une meilleure coordination entre les acteurs impliqués, ainsi qu’un suivi rigoureux de l’exécution budgétaire, sont également nécessaires pour garantir une gestion efficace des fonds publics alloués à l’accès à l’énergie.