Pour la première fois en plus de deux ans, la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) a décidé d’assouplir sa politique monétaire en réduisant ses taux directeurs. Cette décision, motivée par un ralentissement de l’inflation, vise à stimuler l’économie sous-régionale. Toutefois, des incertitudes persistent quant aux risques d’un éventuel retour des tensions inflationnistes.
Réuni le 24 mars 2025, le Comité de Politique Monétaire (CPM) de la BEAC a annoncé une baisse de ses taux directeurs, marquant ainsi un tournant après plus de deux ans de statu quo. Cette mesure s’inscrit dans un contexte de ralentissement de l’inflation en zone Cemac, offrant ainsi une marge de manœuvre pour soutenir l’économie.
Concrètement, le taux d’intérêt des appels d’offres a été abaissé de 5 % à 4,5 %, tandis que le taux de facilité de prêt marginal est passé de 6,75 % à 6 %. En revanche, la facilité de dépôt demeure inchangée à 0 %, tout comme les coefficients des réserves obligatoires fixés à 7 % pour les dépôts à vue et 4,5 % pour les dépôts à terme. « La pression inflationniste dans la zone Cemac suit une tendance baissière, et nous anticipons une diminution encore plus marquée cette année », a déclaré Yvon Sana Bangui, gouverneur de la BEAC, soulignant également la bonne tenue des réserves de change.
Si cette décision se justifie par la détente des prix, certains analystes s’interrogent sur les risques d’un éventuel retour de l’inflation. L’économie sous-régionale reste fragile, et un assouplissement monétaire pourrait alimenter de nouvelles tensions inflationnistes.
Toutefois, la BEAC se veut rassurante. Selon son gouverneur, l’inflation en zone Cemac est essentiellement importée et non d’origine monétaire. « La solution réside dans la mise en œuvre des stratégies d’import-substitution de nos États », a-t-il précisé, insistant sur la nécessité de renforcer la production locale pour réduire la dépendance aux importations.
Malgré ces incertitudes, la BEAC affiche un optimisme prudent quant aux perspectives économiques de la sous-région. La croissance devrait s’accélérer pour atteindre 2,9 % en 2025, contre 2,6 % en 2024, portée par le dynamisme des secteurs non pétroliers. Parallèlement, l’inflation devrait reculer à 2,9 %, repassant sous la norme communautaire.
Les réserves de change, indicateur clé de la stabilité financière, devraient progresser de 4 % pour atteindre 7 584,9 milliards FCFA, avec un taux de couverture extérieure de 76,1 %.
Si ces indicateurs sont encourageants, la banque centrale appelle néanmoins à la prudence. La volatilité des prix des matières premières, la forte dépendance aux revenus pétroliers et les déséquilibres budgétaires restent des menaces pour la stabilité économique de la région.
Dans cette optique, la BEAC exhorte les États membres à poursuivre les réformes structurelles, notamment en renforçant l’industrialisation et en diversifiant leurs économies. Une stratégie qui permettrait de limiter l’exposition aux chocs externes et d’assurer une croissance plus résiliente.
Avec cet assouplissement monétaire, la BEAC tente donc d’équilibrer soutien à la reprise et vigilance face aux risques inflationnistes. Reste à voir si cette stratégie portera ses fruits sans raviver les tensions sur les prix.