Bien que classé parmi les pays à potentiel intermédiaire en matière d’intelligence artificielle en Afrique subsaharienne, le Cameroun doit encore investir dans ses infrastructures numériques et son capital humain pour tirer pleinement parti de cette révolution technologique. Une stratégie nationale en IA est en cours d’élaboration, mais le pays reste en retrait par rapport à d’autres nations africaines plus avancées.
Selon l’AI Investment Potential Index (AIIPI) 2025 de l’Agence française de développement (AFD), publié en février dernier, le Cameroun figure parmi les pays à potentiel intermédiaire en matière d’investissement dans l’intelligence artificielle (IA). Avec un classement au stade 2 sur une échelle de 4, il se positionne aux côtés du Togo et de l’Angola, mais restes-en deçà des pays leaders du continent comme l’Afrique du Sud, le Ghana ou Maurice, qui ont su structurer leurs stratégies et leurs écosystèmes d’innovation.
L’étude de l’AFD repose sur six catégories d’indicateurs : l’environnement économique, la qualité de la gouvernance, l’état des infrastructures numériques, le développement du capital humain, la gouvernance des données et les capacités statistiques. Avec un score inférieur à la moyenne mondiale de 52,32 points, le Cameroun doit encore renforcer ses capacités pour attirer davantage d’investissements dans ce secteur stratégique.
Conscient de ces défis, le gouvernement camerounais a récemment exprimé son ambition de structurer le développement de l’intelligence artificielle dans le pays. Le 25 janvier 2025, la ministre des Postes et Télécommunications, Minette Libom Li Likeng, a annoncé l’élaboration d’une stratégie nationale en IA. Cette initiative vise à positionner le Cameroun comme un acteur clé dans l’écosystème mondial de l’IA.
Toutefois, cette ambition repose sur plusieurs prérequis. La ministre a souligné la nécessité de « mettre en place des mécanismes solides pour assurer une intelligence artificielle responsable, renforcer les infrastructures numériques, développer les compétences locales et promouvoir l’innovation ».
L’un des freins majeurs au développement de l’IA au Cameroun reste l’insuffisance des infrastructures numériques. Pour pallier ce retard, le gouvernement prévoit d’améliorer l’accès à l’Internet haut débit, indispensable au bon fonctionnement des applications d’intelligence artificielle. Un effort particulier sera porté sur le déploiement de la fibre optique, afin de connecter davantage de zones urbaines et rurales.
Par ailleurs, la formation du capital humain constitue un autre enjeu crucial. L’introduction de modules sur l’intelligence artificielle dans l’enseignement supérieur est envisagée afin de préparer les futures générations aux métiers du numérique. De plus, le pays prévoit la création d’incubateurs de start-ups spécialisées en IA, pour stimuler l’innovation locale et encourager les jeunes entrepreneurs à se lancer dans ce domaine.
Malgré ces défis, le Cameroun explore déjà des applications concrètes de l’intelligence artificielle dans plusieurs secteurs clés. Dans l’agriculture, l’IA pourrait être utilisée pour optimiser les rendements agricoles grâce à des outils de surveillance et d’analyse des cultures. Dans le domaine de la santé, des algorithmes d’IA permettraient d’améliorer le diagnostic des maladies et la gestion des infrastructures hospitalières.
L’éducation est un autre secteur où l’IA pourrait jouer un rôle clé, notamment à travers des plateformes d’apprentissage personnalisées et des outils d’évaluation automatisés. Enfin, dans la gestion des ressources naturelles, l’IA pourrait contribuer à mieux surveiller et préserver l’environnement, en analysant des données sur la déforestation ou la pollution.
Si le Cameroun affiche une volonté de rattraper son retard, il doit encore accélérer ses investissements pour rivaliser avec les pays africains les plus avancés en matière d’IA. L’Afrique du Sud et Maurice, par exemple, ont déjà mis en place des stratégies nationales ambitieuses. Maurice a lancé son plan IA dès 2018, tandis que l’Afrique du Sud a publié son premier projet de stratégie en 2024.
Le Cameroun doit donc traduire ses intentions en actions concrètes, en renforçant ses infrastructures, en développant ses talents locaux et en favorisant un environnement propice à l’innovation. Sans cela, le pays risque de rester à la traîne dans une révolution technologique qui redessine déjà les économies mondiales.