Face à un besoin croissant de financement et un contexte monétaire tendu, le Cameroun a initié une tournée stratégique aux États-Unis et au Royaume-Uni pour séduire les investisseurs internationaux. Conduite par le ministre des Finances, cette opération visait à rassurer sur la solidité macroéconomique du pays et à présenter les opportunités d’investissement, notamment dans le cadre de son plan de financement durable.
Dans un contexte mondial marqué par un resserrement des politiques monétaires et une prudence accrue des investisseurs, le Cameroun cherche à diversifier ses sources de financement. C’est dans cette optique qu’une délégation conduite par le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, a effectué du 17 au 18 mars 2025 une tournée aux États-Unis et au Royaume-Uni.
Présentée comme un « Non-Deal Roadshow », cette initiative visait à renforcer le dialogue avec les investisseurs et à mettre en avant les atouts économiques et financiers du Cameroun. Lors d’échanges avec des gestionnaires d’actifs de premier plan, les représentants camerounais ont insisté sur la croissance économique soutenue, la diversification du tissu économique et le cadre de financement durable aligné sur la Stratégie nationale de développement 2020-2030 (SND30).
Le ministre des Finances a ainsi mis en avant des indicateurs clés tels qu’un taux de croissance de 4,5 % avec une projection à 8 % d’ici 2027, un endettement modéré à moins de 45 % du PIB et un déficit budgétaire contenu sous la barre des 1 %.
Des investisseurs prudents mais intéressés
Malgré ces signaux encourageants, les investisseurs restent attentifs aux défis structurels auxquels le Cameroun doit faire face. Selon Louis Paul Motaze, les discussions ont soulevé plusieurs préoccupations, notamment la gestion des arriérés de la dette intérieure, la soutenabilité budgétaire et l’évolution du contexte politique à l’approche de la présidentielle de 2025.
Les investisseurs ont également exprimé leur attente d’une communication renforcée et d’une diversification des instruments financiers, notamment via les placements privés et les garanties partielles. Autant d’éléments qui traduisent un besoin de transparence accrue pour garantir la confiance des bailleurs internationaux. « Dans l’ensemble, cette tournée a permis de clarifier les attentes des investisseurs et de préparer la prochaine étape de notre stratégie d’accès aux marchés financiers », a souligné le ministre.
Un besoin pressant de financements
Pour 2025, le Cameroun prévoit de lever 1 130 milliards FCFA sur le marché régional de la dette publique. Ce programme ambitieux comprend 750 milliards FCFA de Bons du Trésor Assimilables (BTA) et 380 milliards FCFA d’Obligations du Trésor Assimilables (OTA).
La répartition des émissions montre une prédominance des titres de court terme : 490 milliards FCFA sur des maturités de 26 semaines ; 175 milliards FCFA sur 52 semaines ; 15 milliards FCFA seulement sur des obligations à 10 ans.
L’essentiel de ces financements servira à rembourser les dettes arrivant à échéance, ne laissant que 380 milliards FCFA pour financer des projets structurants, notamment ceux liés à l’industrialisation et à l’import-substitution dans le cadre de la SND30.
Des conditions de financement moins favorables
Si la stratégie de mobilisation des ressources financières est bien engagée, elle se heurte toutefois à une conjoncture sous-régionale tendue. La Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) a durci sa politique monétaire pour lutter contre l’inflation, ce qui a entraîné une hausse des taux d’intérêt sur les titres publics.
En octobre 2024, le taux moyen des BTA camerounais a grimpé à 6,9 %, un record en 12 ans, contre 5,8 % un an plus tôt. Cette pression sur le coût de l’endettement pourrait rendre plus difficile la mobilisation de ressources à des conditions avantageuses.
Face à ces défis, la confiance des investisseurs internationaux devient plus que jamais un levier stratégique. La récente tournée en Amérique et en Europe marque une étape clé pour le Cameroun, qui devra désormais renforcer la transparence de sa gestion financière et proposer des instruments plus attractifs pour sécuriser ses besoins en financement.