La Société sucrière du Cameroun (Sosucam), filiale du groupe français Somdia, a enregistré des pertes record de 22 milliards de FCFA en 2024. Entre hausse des coûts, chute de la production et tensions sociales, l’entreprise peine à maintenir son équilibre financier. Les récentes émeutes des coupeurs de canne, qui ont entraîné des pertes de 5 milliards FCFA, assombrissent encore davantage ses perspectives pour 2025.
Sosucam, le leader du marché sucrier camerounais, traverse l’une des pires crises de son histoire. Selon les chiffres révélés par son directeur général adjoint, Jean-François Ntsama Etoundi, l’entreprise affiche une perte colossale de 22 milliards de FCFA pour l’exercice 2024. Cette situation fait suite à une année 2023 déjà difficile, marquée par un déficit de 15 milliards de FCFA.
Parmi les causes de cette chute financière, la direction pointe du doigt plusieurs facteurs : une augmentation du coût des intrants, une fiscalité en hausse, des ventes en deçà des prévisions et une production bien inférieure aux attentes. Initialement, Sosucam espérait produire entre 85 000 et 90 000 tonnes de sucre en 2024. Or, seuls 70 000 tonnes ont été effectivement produites.
Une crise sociale qui s’aggrave
Les difficultés économiques ont eu un impact direct sur les employés. Depuis 2021, pas moins de 430 travailleurs ont été licenciés pour tenter d’alléger les charges de l’entreprise. Une nouvelle vague de suppressions d’emplois, envisagée en 2024, a été suspendue suite à une intervention du gouvernement.
Cependant, la situation sociale s’est envenimée en début d’année. Du 26 janvier au 8 février, une grève des coupeurs de canne a dégénéré en violentes émeutes. Ces travailleurs, réclamant une revalorisation de leur salaire de base et de meilleures conditions de travail, ont paralysé l’activité sucrière pendant deux semaines. En conséquence, 1 000 hectares de plantations ont été incendiés et 50 000 tonnes de canne à sucre ont été perdues, causant un manque à gagner estimé à 5 milliards FCFA.
Pour calmer la grogne sociale, la direction a concédé une hausse du salaire horaire, passant de 280 à 285 FCFA, une augmentation jugée insuffisante par les travailleurs. De nombreux coupeurs ont déserté les plantations, obligeant Sosucam à recruter 600 nouveaux employés pour tenter de limiter l’impact sur la production.
Un avenir incertain pour 2025
Avec cette crise qui s’intensifie, les perspectives pour 2025 s’annoncent particulièrement sombres. Déjà confrontée à une production insuffisante pour couvrir la demande nationale, estimée à 300 000 tonnes par an, Sosucam peine à redresser la barre. L’État est régulièrement contraint d’autoriser des importations de sucre pour combler le déficit du marché.
Créée en 1965 et détenue à 74 % par Somdia et 26 % par l’État camerounais, l’entreprise génère pourtant près de 8 000 emplois directs et indirects, avec une masse salariale annuelle de 14 milliards de FCFA. Malgré ce poids économique, elle semble aujourd’hui fragilisée par une conjoncture difficile et des tensions internes croissantes.
L’avenir de Sosucam dépendra de sa capacité à stabiliser sa production, à améliorer son dialogue social et à faire face aux défis structurels du secteur sucrier camerounais. Sans mesures fortes, la société pourrait voir sa position de leader remise en question dans les années à venir.