Crise des ordures – Yaoundé, une capitale ensevelie sous les déchets

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La capitale camerounaise est envahie par les ordures, une situation qui s’aggrave avec le sous-financement des services de collecte, l’inadéquation des contrats de prestation et l’absence de moyens techniques suffisants. Malgré les promesses gouvernementales et les tentatives de « plans d’urgence », la ville reste embourbée dans une crise qui impacte aussi bien l’environnement que la santé publique.

Yaoundé, capitale politique du Cameroun, est aujourd’hui méconnaissable sous le poids des déchets ménagers qui s’amoncellent à chaque coin de rue. Un spectacle désolant qui indigne autant les habitants que les visiteurs étrangers. Le gouvernement tente de réagir, mais les mesures prises jusqu’ici restent inefficaces. Le 25 février dernier, le Premier ministre Joseph Dion Ngute réunissait d’urgence les autorités locales pour élaborer un plan de sortie de crise. Mais cette initiative n’a rien d’inédit : une réunion similaire avait déjà eu lieu en octobre 2023 sans résultats concrets. Cette fois, la présence du ministre des Finances, Louis Paul Motaze, laisse espérer des solutions plus viables, le financement étant au cœur du problème.

L’un des principaux obstacles au ramassage des ordures à Yaoundé est le manque de financement. Initialement, l’État et la Communauté urbaine de Yaoundé se partageaient les coûts de collecte. Or, parmi les quatre prestataires de la ville, seul Hysacam continue d’être payé par l’État, les autres devant compter sur des financements incertains. De plus, l’entreprise Tychlof, désignée pour assurer la propreté de deux des sept arrondissements de Yaoundé, peine à remplir sa mission. Sans ressources financières et techniques suffisantes, elle ne peut répondre aux attentes. Un constat alarmant que la ministre de l’Habitat et du Développement urbain, Célestine Ketcha Courtès, a fini par reconnaître, plaidant pour une intervention d’urgence.

Au-delà des problèmes contractuels, la crise des ordures s’explique aussi par l’inadéquation entre la quantité de déchets produits et les capacités de collecte. Les contrats signés en 2019 prévoyaient un ramassage de 1 200 tonnes de déchets par jour. Or, dès cette époque, la production réelle était de 2 300 tonnes, un chiffre qui a grimpé aujourd’hui à environ 2 600 tonnes. Face à cet écart, les services de collecte ne parviennent plus à suivre le rythme. Résultat : des montagnes d’ordures s’accumulent dans les marchés, près des établissements scolaires et hospitaliers, et le long des axes routiers. Certains habitants, excédés, n’hésitent plus à brûler leurs déchets, augmentant ainsi les risques de pollution et de maladies respiratoires.

Le gouvernement avait promis un « coup de poing » pour assainir la capitale en une semaine. Pourtant, sept mois après le discours du président Paul Biya sur la nécessité d’une remobilisation générale, les ordures continuent d’envahir les rues. Le véritable enjeu reste financier. Selon Marie-Solange Mbang epse Efon, directrice de l’urbanisme à la Communauté urbaine de Yaoundé, un budget annuel de 15 milliards de francs CFA serait nécessaire pour ramasser au moins 80 % des déchets produits, contre 5 milliards actuellement alloués.

Sans un engagement budgétaire fort et une meilleure gestion des prestataires, Yaoundé risque de rester prisonnière de cette crise sanitaire et environnementale qui ternit l’image du Cameroun.

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