Après deux mandats consécutifs à la tête de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwumi Adesina s’apprête à passer le relais en mai 2025. Cinq personnalités aux profils solides et aux soutiens stratégiques briguent la présidence de cette institution panafricaine clé. Entre expertises financières, réseaux d’influence et équilibres géopolitiques, la bataille pour le leadership de la BAD s’annonce intense.
La présidence de la Banque africaine de développement (BAD) est un poste hautement stratégique. En tant que principale institution financière de développement du continent, la BAD joue un rôle central dans le financement des infrastructures, l’énergie, l’agriculture et la croissance économique en Afrique. Son président doit non seulement avoir une solide expertise financière, mais aussi une grande capacité à mobiliser des fonds et à négocier avec les États actionnaires. Le successeur d’Akinwumi Adesina sera élu en mai 2025, à l’issue d’un vote où les 54 pays africains et les 27 membres non africains de la BAD devront se prononcer. Mais au-delà des votes, ce sont surtout les 11 principaux actionnaires – dont le Nigeria, les États-Unis, l’Égypte, le Japon et la France – qui auront un poids décisif dans l’élection.
Swazi Tshabalala, la seule femme en course
Seule femme parmi les candidats, la Sud-Africaine Swazi Tshabalala est une figure bien connue de la BAD, qu’elle a intégrée en 2018 en tant que vice-présidente en charge des finances. En 2021, elle est devenue vice-présidente principale et directrice financière, devenant ainsi la première femme à occuper ce poste clé. Âgée de 58 ans, elle est diplômée en économie de l’Université Lawrence et titulaire d’un MBA de Wake Forest University aux États-Unis. Forte de 30 ans d’expérience dans la finance, la gestion de trésorerie et les marchés des capitaux, elle possède une connaissance approfondie des rouages de la BAD.
Son atout principal ? Son expertise et son expérience au sein de l’institution. Toutefois, face aux jeux d’alliances et aux soutiens internationaux de ses concurrents, elle devra convaincre au-delà du cercle financier de la banque.
Amadou Hott, le favori du président sortant
Ancien vice-président de la BAD en charge de l’énergie et de la croissance verte, le Sénégalais Amadou Hott est un candidat sérieux. Il bénéficie du soutien du président sortant, Akinwumi Adesina, ainsi que de celui de figures influentes comme Aliko Dangote et Tony Elumelu. Titulaire d’un DEA en finance de marché de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne et d’un master en mathématiques financières de l’Université de New York, il a une solide expérience en banque d’investissement et en financement structuré.
Son parcours l’a mené de New York à Dubaï, en passant par Londres et Lagos, où il a travaillé sur des projets d’infrastructures et d’énergie. Il a également occupé le poste de ministre de l’Économie et du Plan au Sénégal. Avec un tel bagage, il se positionne comme un candidat de poids, capable de séduire aussi bien les actionnaires africains que non africains.
Abbas Mahamat Tolli, le candidat de l’Afrique centrale
Premier à avoir annoncé sa candidature, le Tchadien Abbas Mahamat Tolli bénéficie du soutien des pays de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et du président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno. Ancien gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) et président de la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC), il dispose d’une expérience de haut niveau en gestion monétaire et financière. Diplômé de l’École nationale d’administration (ENA) de Paris et de l’Université du Québec, il a également été ministre des Finances et du Budget du Tchad. Son principal défi sera de rallier des soutiens au-delà de l’Afrique centrale pour peser dans le scrutin final.
Samuel Munzele Maimbo, un atout pour les Anglo-Saxons
Le Zambien Samuel Munzele Maimbo est actuellement vice-président du budget et de la planification stratégique à la Banque mondiale. Son expérience de 23 ans au sein de cette institution lui confère une expertise précieuse en matière de développement, de marchés financiers et de mobilisation de fonds. Ancien chef de cabinet de deux présidents de la Banque mondiale, il a également travaillé comme inspecteur bancaire à la Banque de Zambie et auditeur chez PwC.
Son atout majeur ? Le soutien des pays anglo-saxons, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Irlande, ainsi que celui du marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA). Son défi sera d’élargir son influence pour séduire des pays francophones et d’autres actionnaires clés.
Sidi Ould Tah, un candidat aux soutiens stratégiques
Le Mauritanien Sidi Ould Tah, actuel président de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA), a déposé sa candidature à la dernière minute. Fort d’une décennie à la tête de la BADEA, il connaît parfaitement les enjeux financiers du continent. Titulaire d’un doctorat en économie de l’Université de Nice Sophia Antipolis, il a été ministre de l’Économie et des Finances de la Mauritanie. Son réseau est l’un de ses plus grands atouts : il bénéficie du soutien des pays du Golfe (Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Koweït) ainsi que de celui de plusieurs pays ouest-africains, dont la Côte d’Ivoire et le Bénin.
Sa diplomatie active et son multilinguisme (il parle arabe, français et anglais) pourraient jouer en sa faveur, notamment pour attirer davantage d’investissements du Moyen-Orient vers la BAD.
Une course ouverte, entre alliances et stratégies
L’élection à la présidence de la BAD ne se résume pas à une simple compétition de compétences. Les jeux d’alliances entre pays africains et non africains, les soutiens politiques et économiques, ainsi que la capacité des candidats à convaincre les 11 principaux actionnaires seront déterminants.Si Amadou Hott et Sidi Ould Tah semblent partir avec un léger avantage en raison de leurs soutiens stratégiques, rien n’est joué. La BAD est une institution multilatérale où les négociations de coulisses peuvent faire basculer une élection à tout moment.
À mesure que le scrutin de mai 2025 approche, les candidats intensifient leur campagne, multipliant les rencontres et les promesses pour séduire les grands électeurs. L’avenir de la BAD, et par extension, celui du financement du développement en Afrique, dépendra du choix qui sera fait.