Le gouvernement camerounais ambitionne de bitumer 6 000 km de routes d’ici 2030, mais les chiffres actuels montrent un retard sur l’objectif intermédiaire de 3 000 km à mi-parcours. Malgré des contraintes financières et des projets en souffrance, le ministre des Travaux publics, Emmanuel Nganou Djoumessi, reste optimiste quant à l’atteinte du cap fixé.
Cinq ans après le lancement de la Stratégie Nationale de Développement (SND30), le Cameroun affiche 2 100 km de routes bitumées sur les 3 000 prévues à ce stade, soit un taux de réalisation de 68 %. À ces chiffres s’ajoutent 941 km en cours de bitumage, portant à 35 % le taux d’exécution du programme global de 6 000 km à livrer d’ici 2030. Ce bilan, révélé par le ministre des Travaux publics (Mintp) Emmanuel Nganou Djoumessi lors d’un entretien avec la CRTV le 2 février 2025, contraste avec des déclarations antérieures. En effet, en décembre 2023, il avait annoncé que 2 400 km étaient déjà bitumés, soit 73,46 % de l’objectif intermédiaire. Une incohérence qui suscite des interrogations sur la méthodologie de comptabilisation des infrastructures routières livrées.
Le linéaire total des routes bitumées au Cameroun pose également question. En février 2024, le pays comptait 10 225,58 km de routes asphaltées, représentant 8,39 % du réseau routier national estimé à 121 873 km. Un an plus tard, le ministre évoque 10 549 km (8,65 %). Or, en ajoutant les 446 km bitumés en 2024, ce chiffre aurait dû atteindre 10 671,58 km. Ces écarts soulèvent des doutes sur la transparence des données et la crédibilité du suivi du programme.
Le retard dans le bitumage des routes compromet des projets stratégiques, notamment le Plan intégré d’import-substitution agropastoral et halieutique (Piisah). Ce programme repose sur le désenclavement des bassins de production pour renforcer l’offre locale et limiter les importations massives de produits agricoles. Une infrastructure routière déficiente ralentit cette dynamique, limitant ainsi l’acheminement des denrées vers les marchés et réduisant la compétitivité des producteurs locaux.
Le ministre des Travaux publics justifie cette lente progression par des contraintes financières majeures. « Il y a cette question de mise en place des financements qui connaît d’énormes difficultés. Nous subissons les contrecoups des crises mondiales, qui rallongent les délais de réaction de certains de nos partenaires », explique Emmanuel Nganou Djoumessi. Il cite en exemple la route Babadjou-Bamenda (Ouest-Nord-Ouest) et la route Mora-Dabanga-Kousseri (Extrême-Nord), dont les travaux, initialement prévus pour s’achever respectivement en 2018 et 2017, sont toujours en cours. L’insécurité dans certaines régions et le manque de ressources mobilisables ralentissent également l’avancement des chantiers.
Malgré ces difficultés, le gouvernement camerounais maintient son engagement à atteindre les 6 000 km de routes bitumées d’ici 2030. « Nous avons enregistré un retard, il faut le reconnaître, mais nous allons respecter notre engagement, et même avant l’échéance », assure le ministre des Travaux publics. Si cette ambition se concrétise, elle pourrait transformer significativement le paysage infrastructurel du pays, améliorer la connectivité des régions et booster l’économie nationale. Mais pour y parvenir, il faudra lever les goulots d’étranglement qui entravent encore aujourd’hui l’exécution efficace des projets routiers.