CEMAC – Yvon Sana Bangui à la croisée des chemins pour redresser la BEAC

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À la tête de la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) depuis peu, Yvon Sana Bangui se voit confier des missions cruciales pour la stabilité financière de la CEMAC. Entre indépendance de l’institution, gestion du risque souverain et rapatriement des devises, le gouverneur centrafricain devra concilier fermeté et diplomatie pour relever ces défis.

Depuis plusieurs années, l’indépendance de la BEAC, pierre angulaire de son fonctionnement, est mise à mal par les interférences des États membres. Recrutements influencés, mandats non renouvelés et suspensions arbitraires ont sapé la gouvernance interne de l’institution. L’ancien gouverneur, Abbas Mahamat Tolli, dénonçait déjà en février dernier des dysfonctionnements majeurs, évoquant insubordination et violations des règles, souvent couvertes par les pays membres.

Pour Yvon Sana Bangui, la tâche s’annonce ardue. Réussira-t-il à garantir une indépendance réelle à la BEAC et à instaurer une gestion plus rigoureuse ? Les chefs d’État de la CEMAC, appelés à renforcer les pouvoirs du gouverneur, semblent pour l’instant réticents. Pourtant, un tel appui est indispensable pour stabiliser durablement l’économie régionale.

Le poids des dettes publiques dans les actifs des banques de la région est préoccupant. Passant de 10 % en 2015 à 31 % en 2023, cette situation fragilise le système financier de la CEMAC. Certaines banques, selon le FMI, atteignent des niveaux d’exposition dépassant les 50 %, un record sur le continent.

Cette dépendance accrue est exacerbée par le marché des titres publics, dont l’encours a bondi à plus de 7 000 milliards de FCFA en 2024. Yvon Sana Bangui a déjà pris une mesure symbolique en supprimant la pondération nulle des dettes souveraines, une décision qui pourrait contraindre les États à adopter une gestion budgétaire plus rigoureuse. Mais pour que cette réforme porte ses fruits, elle devra être maintenue face aux pressions politiques.

Le défi majeur reste le rapatriement des devises issues des secteurs pétrolier et minier. Depuis 2018, malgré la réglementation, les entreprises extractives rechignent à domicilier les fonds dédiés à la réhabilitation des sites dans la sous-région. Ces fonds, estimés à 6 000 milliards de FCFA, représentent une manne cruciale pour renforcer les réserves extérieures de la CEMAC et stabiliser le franc CFA.

Cependant, les opérateurs concernés opposent une résistance farouche. Ils ont même engagé des lobbyistes internationaux pour contrecarrer cette obligation. Yvon Sana Bangui devra conjuguer fermeté réglementaire et diplomatie pour faire appliquer les textes en vigueur d’ici avril 2025, une échéance fixée par les chefs d’État.

Le mandat de Yvon Sana Bangui commence sous haute tension, avec des défis structurels et conjoncturels. La stabilité financière de la CEMAC repose désormais sur sa capacité à instaurer une gestion indépendante et rigoureuse au sein de la BEAC. Si les États membres lui accordent leur soutien, il pourra jeter les bases d’une réforme durable. Dans le cas contraire, les ambitions de renforcement économique de la sous-région risquent de rester lettre morte.

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