Tensions financières dans la Cemac – Les banques camerounaises, principales créancières du Tchad, entre opportunités et risques

Partager...

Alors que les banques tchadiennes peinent à soutenir l’État dans ses besoins de financement, leurs homologues camerounaises dominent désormais le marché des emprunts émis par le Tchad au sein de la Cemac. Si cette position offre des opportunités lucratives, elle expose également les institutions camerounaises à des risques élevés liés à la fragilité économique de leur voisin.

En février 2024, les banques commerciales camerounaises détenaient 56 % des titres d’emprunt émis par le Tchad sur le marché monétaire de la Cemac, selon un rapport du FMI. Cette situation reflète l’incapacité des banques tchadiennes à financer les besoins du gouvernement. En cause, un secteur bancaire affaibli, marqué par un ratio négatif de fonds propres (-1,4 %) et un niveau inquiétant de créances douteuses atteignant 31,5 % des crédits accordés en 2023. Face à cette instabilité, le Tchad s’est tourné vers l’émission d’obligations à moyen et long termes, qui représentent désormais 84 % de ses titres sur le marché Cemac, contre 54 % en 2021. Une stratégie que les banques tchadiennes, bien qu’affichant un bon ratio de liquidité à court terme (135 %), ne peuvent suivre faute de ressources suffisantes.

Le dynamisme des banques camerounaises

De leur côté, les banques camerounaises apparaissent mieux armées. Le ratio des fonds propres sur le total des crédits a grimpé à 15,3 % en 2023, contre 10,8 % en 2018, tandis que les créances à risque ont reculé à 12,9 %. Cette solidité financière leur permet de répondre aux appels de financement du Tchad et d’autres États de la Cemac. Les rendements attractifs des titres publics tchadiens sont également un facteur d’attractivité. Avec des obligations du Trésor offrant jusqu’à 13,5 % de revenus, les banques camerounaises ne manquent pas d’intérêt pour ces investissements. Cependant, cette stratégie n’est pas sans dangers.

Des opportunités fragiles

Le Tchad reste un débiteur vulnérable. Son économie dépend largement du pétrole, un secteur en déclin en raison de la baisse des prix et de la production mondiale. En 2023, le pays cumulait une dette de 401 millions $ envers ses voisins, dont le Cameroun, le Congo et la Guinée équatoriale, ainsi que la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC). Malgré cela, l’exposition des banques camerounaises aux États de la Cemac continue d’augmenter. En 2023, les prêts aux gouvernements représentaient 60,6 % des crédits totaux du secteur bancaire camerounais, atteignant 3 402 milliards de FCFA. Une dépendance croissante qui, selon les experts, pourrait devenir problématique si les remboursements tchadiens ne s’améliorent pas.

Entre audace et prudence

Si les banques camerounaises tirent profit des faiblesses de leurs homologues tchadiennes, elles jouent une carte risquée. Les défis économiques et géopolitiques dans la Cemac exigent une gestion rigoureuse des investissements pour éviter une crise systémique dans la sous-région.

Related posts