Dans son rapport sur le compte général de l’État au 31 décembre 2023, la Chambre des comptes de la Cour suprême du Cameroun pointe des irrégularités majeures et des anomalies comptables graves. Ce constat alarmant met en lumière une gestion défaillante des finances publiques, marquée par des violations des normes comptables nationales et internationales.
La Chambre des comptes de la Cour suprême a rendu une opinion défavorable sur les états financiers du Cameroun pour l’année 2023. Selon son rapport, ces documents « ne sont ni sincères, ni réguliers », et ne reflètent pas fidèlement la situation financière du pays. Ce jugement repose sur une série d’irrégularités qui ont affecté les bilans et le compte de résultat de l’État. Parmi les points soulevés figurent des anomalies concernant le report des soldes entre exercices, l’intégration de données non validées, et la présence de comptes inexistants dans le plan comptable de l’État. Ces éléments, combinés à l’absence de respect des principes de sécurité et de pérennité de l’information comptable, décrivent une situation inquiétante.
Anomalies dans les flux financiers et le patrimoine
Le rapport souligne également des incohérences majeures sur les flux financiers. Par exemple, le tableau des flux de trésorerie ne reflète aucune opération de cession immobilière pour l’exercice 2023, un fait jugé « invraisemblable » par la Chambre. De plus, des actifs essentiels, comme le patrimoine immobilier de l’État ou les stocks d’or, ne sont pas correctement répertoriés. Les magistrats relèvent que les stocks d’or, évalués à 14,34 milliards de FCFA depuis 2021, n’ont pas varié en trois ans. Or, ces données concernent uniquement l’impôt minier versé en nature, laissant un flou sur l’ensemble des actifs circulants.
Une comptabilité en décalage avec les normes internationales
Les dysfonctionnements relevés vont à l’encontre des standards comptables internationaux, notamment ceux définis par les normes ISSAI (International Standards of Supreme Audit Institutions). Le non-respect de l’arrêté périodique des états financiers, la modification des comptes après validation et l’absence d’exhaustivité dans la déclaration des actifs enfreignent des principes fondamentaux. De plus, des anomalies structurelles ont été constatées. Certains comptes, normalement débiteurs, affichent des soldes créditeurs, créant un déséquilibre comptable. Ces écarts, combinés à des irrégularités dans les déclarations de charges et produits, compromettent la fiabilité des états financiers.
Des échanges documentés mais des réponses insatisfaisantes
Le rapport n’a pas été produit sans contradictions ni échanges avec le ministère des Finances. La Chambre des comptes a documenté les discussions et les demandes d’ajustements adressées à la Direction générale du Trésor. Cependant, les réponses obtenues n’ont pas permis de lever les doutes sur les nombreux manquements. Le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, est directement impliqué dans ces échanges, mais les corrections proposées n’ont pas suffi à rétablir la confiance des magistrats.
Quelles perspectives ?
Face à ce constat, la question de la transparence dans la gestion des finances publiques se pose avec acuité. Les anomalies relevées mettent en lumière un besoin urgent de réforme pour aligner la gestion comptable de l’État sur les standards internationaux. La fiabilité des états financiers est un prérequis indispensable pour rassurer les partenaires financiers et améliorer la gouvernance publique au Cameroun. Les conclusions de la Chambre des comptes constituent un signal fort, appelant à une prise de conscience collective sur l’état des finances publiques du pays. Reste à savoir si les autorités prendront les mesures nécessaires pour corriger ces défaillances structurelles.