Plan intégré d’import-substitution au Cameroun – Un démarrage au ralenti et des ambitions mises à l’épreuve

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Lancé en début d’année 2024, le Plan intégré d’import-substitution agropastoral et halieutique (Piisah) du Cameroun affiche des résultats bien en deçà des objectifs initiaux. Malgré des promesses ambitieuses, les chiffres révélés par le Premier ministre lors de la présentation du programme économique 2025 témoignent d’un retard inquiétant, tant au niveau des réalisations que des financements.

En mars 2024, le gouvernement camerounais, par la voix d’Alamine Ousmane Mey, ministre de l’Économie, annonçait un projet ambitieux pour réduire la dépendance alimentaire du pays à travers le Piisah. Ce programme, couvrant la période 2024-2026, prévoyait, dès sa première année, la sécurisation de 426 000 hectares de terres agricoles et une production annuelle de 8 102 tonnes de semences certifiées et améliorées. Cependant, neuf mois après le lancement, le bilan est timide. Selon les données dévoilées le 1er décembre 2024 par le Premier ministre Joseph Dion Ngute, seuls 200 000 hectares de terres ont été sécurisés, dont 3 000 hectares aménagés par un opérateur privé. Quant à la production de semences, elle plafonne à 452 tonnes, bien loin des attentes.

Si la filière blé se distingue avec une production de 12 800 tonnes, marquant une hausse spectaculaire de 1 280 % par rapport aux années précédentes, les autres filières comme le riz ou le maïs peinent à décoller. Pire encore, le déficit en riz, principal produit importé, devrait dépasser 500 000 tonnes en 2024, une augmentation de 3 % par rapport à 2023.

Les faibles avancées du Piisah trouvent en partie leur explication dans le décalage criant entre les besoins financiers du programme et les subventions réellement accordées. Sur un budget annuel de 248,49 milliards de FCFA, le gouvernement n’a alloué que 1,45 milliard de FCFA de subventions depuis le début de l’année, soit à peine 0,6 % de l’enveloppe prévue.

Les montants annoncés pour soutenir des entreprises publiques et parapubliques se sont révélés largement insuffisants. Par exemple, la Société d’expansion et de modernisation de la riziculture de Yagoua (Semry) et l’Upper Noun Valley Development Authority (Unvda) n’ont reçu que 750 millions de FCFA pour l’achat de riz Paddy, bien en deçà des 14,4 milliards initialement promis. La situation est similaire pour la filière huile de palme, où les trois agro-industries majeures attendaient 5 milliards de FCFA en subventions d’équipements, mais n’en ont obtenu que 700 millions.

Face à ces résultats mitigés, les interrogations sur la capacité du Piisah à sortir le Cameroun de sa dépendance alimentaire d’ici 2026 se multiplient. En 2023, le pays a dépensé 4 993 milliards de FCFA pour ses importations, une augmentation de 1,7 % par rapport à l’année précédente. Pour atteindre les objectifs fixés, le gouvernement devra accélérer le déploiement des financements, renforcer le suivi des projets agricoles, et encourager la participation du secteur privé. À défaut, le Cameroun risque de s’enliser davantage dans sa dépendance aux importations, avec des conséquences économiques et sociales préoccupantes.

En somme, le Piisah, pourtant salué comme une initiative stratégique pour l’autosuffisance alimentaire, peine à tenir ses promesses. Si des ajustements ne sont pas rapidement opérés, cette ambition pourrait s’ajouter à la longue liste des projets avortés dans le secteur agricole camerounais.

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