À l’occasion de la Finance Week 2024 tenue à Yaoundé, le Gouverneur de la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC), Yvon Sana Bangui, a mis en lumière l’importance stratégique du marché des capitaux pour le financement des économies de la CEMAC. Malgré des avancées notables, de nombreux défis freinent encore l’essor de ce levier de développement.
Depuis ses débuts en 2008 et les premières émissions en 2011, le marché des titres publics en CEMAC connaît une croissance marquée. L’encours des titres publics a bondi, passant de 1 000 milliards de FCFA en juin 2018 à 7 167,7 milliards de FCFA en octobre 2024. Cette dynamique témoigne d’une appropriation croissante par les États de cet outil pour financer leurs projets. Cependant, cette progression quantitative masque des lacunes qualitatives. Le marché primaire reste peu profond et le marché secondaire, censé favoriser la liquidité des titres, peine à s’animer. Ces faiblesses compromettent l’efficacité du marché et réduisent son attrait pour les investisseurs privés, pourtant essentiels pour diversifier les sources de financement.
Des États encore trop dépendants de l’extérieur
L’analyse du Gouverneur a également révélé un paradoxe : malgré la croissance des marchés financiers locaux, les États de la CEMAC demeurent fortement dépendants des financements extérieurs. Cette situation est exacerbée par des taux d’intérêt élevés qui, bien qu’attirants pour les investisseurs institutionnels, restent insuffisamment compétitifs pour capter les fonds des acteurs privés locaux. Cette dépendance pose un double problème : elle expose les économies de la région à des risques de vulnérabilité externe tout en limitant leur capacité à mobiliser des ressources domestiques. Le défi consiste donc à renforcer l’attractivité des marchés financiers régionaux en améliorant leur fonctionnement et leur accessibilité.
Des réformes structurantes en cours
Face à ces défis, des initiatives émergent. Le Cadre Permanent de Concertation des Trésors Publics de la CEMAC (CPC-TP-CEMAC) constitue un outil précieux pour harmoniser les pratiques et encourager une coordination régionale. En parallèle, la notation souveraine des États progresse, offrant aux investisseurs une meilleure visibilité sur les risques associés. Le Gouverneur a également appelé à une rationalisation des interventions des États sur le marché des capitaux, à un renforcement des activités des Spécialistes en Valeurs du Trésor (SVT) et à une meilleure communication pour inciter davantage d’acteurs privés à s’y engager.
Encourager l’innovation et la responsabilité sociale
La Finance Week 2024 a également permis de mettre à l’honneur les acteurs qui innovent. Les Awards « Ecomatin » ont récompensé les banques les plus dynamiques en matière de financement des PME, d’innovation financière et de responsabilité sociale des entreprises (RSE). Ces distinctions rappellent l’importance d’un secteur bancaire inclusif pour accompagner la croissance régionale.
Pour capitaliser sur l’élan actuel, il est impératif de relever les défis structurels du marché des capitaux en CEMAC. En favorisant une meilleure intégration des marchés, en diversifiant les produits financiers et en attirant des investisseurs variés, la région pourrait transformer ses marchés financiers en véritables moteurs de croissance inclusive. Le message de Yvon Sana Bangui est clair : le marché des capitaux n’est pas une option, mais une nécessité stratégique pour les États de la CEMAC.