Lutte contre la corruption – Un expert propose un support de travail à la Conac et au gouvernement

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Les plaintes des membres de la CONAC ressemblent à celles d’un enfant à qui les parents ont acheté les habits de fête mais l’empêchent de s’y rendre ! L’on s’interrogerait donc légitimement sur la véritable raison de l’achat desdits vêtements !

Le Cameroun s’est à maintes fois hissé à la première place des pays les plus corrompus monde (1998 ; 1999). Les efforts consentis par le gouvernement ont conduit entre autres à la création de la Commission Anti-corruption (CONAC) par décret présidentiel le 11 mars 2006 ayant la mission essentielle est de contribuer à la lutte contre la corruption. Après presque 2 décennies d’existence, peut-on dire en toute sérénité que la corruption a une véritable tendance baissière !? N’y a-t-il pas d’actes flagrants de corruption dans notre pays au nez de tous y compris les autorités et les membres de la CONAC !? Le pouvoir de la CONAC est-il suffisant pour contribuer véritablement être une force de déstabilisation de ce fléau sur le territoire Camerounais ? À côté de la CONAC existent les Services du Contrôle Supérieur de l’État, l’Agence Nationale d’Investigation Financière ainsi que les Institutions de Régulation (des marchés publics, Conseil National de la Communication, …)

En matière de lutte contre la corruption, il existe un référentiel, la norme ISO 37001 qui est un support rédigé par l’Organisation Internationale de Normalisation (International Standard Organization, ISO). Cette dernière est une fédération des organismes de normalisation de plus de 185 pays ; le Cameroun y étant représenté par l’Agence des Normes et la Qualité (ANOR). C’est exactement comme la FIFA où siège la FECAFOOT au nom du Cameroun.

Tout en reconnaissant les efforts fournis par la CONAC malgré l’absence de coudée franche, il convient d’examiner oes contours de la lutte contre la corruption aujourd’hui au Cameroun tout en y décelant les manquements et de se situer sur la cartographie des exigences de ISO 37001 qui, une fois appliquées, couvrira l’ensemble des activités de cette institution avec pour corollaire de meilleures performances à la hauteur des attentes de la société qui se veut de plus en plus moderne malgré l’impuissance…

État des lieux de la corruption au Cameroun

Le rapport de Transparency international sur l’Indice de Perception de la corruption en 2022 a indiqué que le Cameroun est 142è/180 avec une note de 26/100. Le classement du Cameroun n’a pas connu un grand changement cette année par rapport aux quatre années antérieures. En effet, l’Indice de perception de la corruption (Ipc) de cette ONG classe 180 pays et territoires. Le classement est fait selon le niveau de corruption perçu, sur une échelle qui va de zéro (fortement corrompu) à 100 (faiblement corrompu). Bien que la note de 2022 représente une régression de 1 point par rapport à l’année d’avant, le Cameroun demeure dans le peloton en raison de certaines affaires qui ont fait la une des médias au courant de l’année : l’affaire Glencore, l’affaire Covidgate pour laquelle la Cour des Comptes a produit un rapport qui a tardé à être rendu public, des affaires liées à l’organisation de la CAN, l’affaire des fameuses lignes budgétaires, … Il est à réaliser que ceci n’intègre pas les comptes bloqués et reconnaissance de dettes ça et là pour les concours et recrutement dont les statistiques sont difficiles à obtenir ! Ce score de Transparency International contraste avec les performances évoquées par la CONAC qui a indiqué dans son récent rapport que le montant global du préjudice financier subi par l’Etat du Cameroun en 2022 à cause des actes de corruption et des infractions assimilées était de 4,623 milliards de Fcfa. Comparativement à 2021 ou ces pertes s’élevaient à 43, 947 milliards de Fcfa, ce montant était en baisse de 39,324 milliards de Fcfa (-89, 5%). Les actions actuelles de lutte contre la Corruption présentent des limites.

Plusieurs Camerounais connaissent de sérieuses frustrations face à la facilité déconcertante avec lesquelles certaines personnes obtiennent un service, réussissent à un concours ou sont intégrées à la fonction publique ! Le language est d’ailleurs connu : « toi-même tu sais comment le pays fonctionne ! «  et cela motive la recherche des « réseaux » et du « bon réseau » pour toute position pour laquelle les pouvoirs publics ou les fonctionnaires ont main mise. Les gens qui n’ont que la prière ou le jeun pour accompagner tout dossier arrivent même parfois à douter de leur Seigneur face à de nombreux échecs dont aucun raisonnement cartésien ne saurait expliquer. La corruption est aujourd’hui l’un des plus grandes hypothèques de l’avenir de jeunesse Camerounaise. Heureusement, disent certains jeunes, « le Canada devient peu à peu la « douzième région du pays ». D’autres chantent même déjà : « Ô Canada, berceau de nos rêves » … D’ailleurs qu’il est plus évident d’avoir un passeport qu’une carte nationale d’identité et nul n’a besoin d’un dessin pour comprendre le sous-entendu. Revenons aux actes de corruption dans notre pays. Au sein de la population, le « barème » de somme d’argent pour corrompre à certains concours et recrutement n’est quasiment qu’un secret de polichinelle !

Il est possible, et je l’ai vécu, qu’un bus « no name » parcoure plus de 200 km au Cameroun sans un seul papier à jour. Le bus traverse les contrôles où le dossier arrive dans la main du vérificateur en même temps que les billets de banque et aucun regard n’est jeté dessus. Les secteurs de la Douane, de la justice, les marchés publics, l’enseignement, … sont aujourd’hui gangrené par ce fléau, voleur de la probité et de la rectitude morale de certains Camerounais. Les victimes se recrutent aussi bien chez les fonctionnaires que ceux qui aspirent en faire partie et ceux qui ont besoin des services publics notamment pour les marchés publics voire l’obtention de simples agréments pour se déployer dans le privé.

Ceci peut être évoqué en guise de dénonciation : le 08 Décembre 2023, les résultats du recrutement spécial de 150 enseignants dans les Universités de Bertoua, d’Ébolowa et de Garoua ont été publiés et cela laisse entrevoir des irrégularités qui nécessitent une attention particulière de la CONAC. Entre autres, l’on peut faire mention des personnes qui soutenu après la date de dépôt des dossiers et même après les auditions.

La palme d’or revient au candidat qui a soutenu en Novembre 2023 et a été retenu alors que les entrevues ont eu lieu en Mai 2023. En outre, les quotas requis au départ pour certains départements et écoles ont été ensuite tripatouillés des gestionnaires de la procédure de recrutement. À l’ISABEE de l’Université de Bertoua, aucun candidat n’a été retenu en Génie Chimique alors qu’il y avait plusieurs dossiers et la Commission a réussi l’exploit d’y recruter un Historien. L’on a estimé au cours de ce recrutement que les Docteurs de 44 ans étaient moins expérimentés que ceux de 26 ans nouvellement diplômés. Parmi les candidats recalés se trouve un Docteur disposant de 16 années d’expérience dans l’enseignement dont 12 années au supérieur privé.

Il a dispensé dans au moins 8 IPES (Institut Privé d’Enseignement Supérieur) plus d’une quarantaine d’unités d’enseignement du niveau 1 au niveau 5 allant du Syndrome hémorragique du nouveau-né chez les Sages-femmes au E-Commerce chez les étudiants de Commerce International en passant par Security and Safety in various modes of Transport and Environmental Management en cycle Master LTM (Logistic and Transport Management) ; il est donc parfaitement bilingue mais l’on n’a pas tenu compte de cette expérience en ‘’jambes’’. Parlent même de jambes, il se demande s’il n’aurait pas dû s’en servir car Christian Bassogog, de l’équipe nationale de Football, a été son élève et il est aujourd’hui Milliardaire Chinois… Ce même Cameroun a eu de l’expérience à ENEO, SOGEA SATOM, PLASTICAM, HEVECAM, Laboratoire BIOPHARMA, SOGEA SATOM, le Laboratoire National de BTP du Burkina-Faso (équivalent de LANOGENIE), DINAFOF BIZ au Sénégal, …, Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’Hopital Laquintinie de Douala, l’hôpital Général de Douala, l’hôpital Central de Yaoundé, … à divers titres. L’on pourrait se dire qu’il est salarié et pourtant en pleine débrouillardise dans le privé. En tout cas, la notion de <<chômeur >> dans ce recrutement était de loin hypothétique !

Par ailleurs, une pénurie de Carburant a récemment eu lieu sur l’étendue du territoire Camerounais. Une recherche des causes profondes permet dès l’entame de mettre le doigt entre autres sur l’absence d’une raffinerie moderne adaptée du type de pétrole brut foré du sous-sol Camerounais. En utilisant une simple logique d’une série de 5 Pourquoi (5P), l’on tombe sur les raisons lointaines de cette situation qui se recrutent dans le souci, pour certains décideurs, de se faire une bonne santé financière personnelle au détriment du bien du pays tout entier : cela rentre dans les méandres de la Corruption !

Des réserves émises par la Conac

La CONAC est un organisme public indépendant dont la vision est de « Contribuer à faire de Cameroun un pays où l’intégrité constitue une valeur capitale pour tout citoyen, avec une croissance économique fondée sur le travail bien fait, distribuée de manière équitable afin d’assurer le bien-être social dans un environnement préservé ».

Son déploiement notamment via ses démembrements jusque que dans les établissements scolaires en passant par les hôpitaux et la mise à disposition des lignes vertes de dénonciation de la corruption constituent des actes salutaires. Il en est de même du dynamisme dans la sensibilisation lors de certains évènements comme lors des Jeux FENASSCO et les Jeux Universitaires semant ainsi les graines de la lutte contre la corruption. Son Président, le Rév. Dr Dieudonné MASSI GAMS fait de son mieux dans les missions qui lui sont assignées mais dont les rapports annuels trahissent l’absence de coudées franches.

Dans ses derniers rapports, la CONAC s’insurge contre un certain nombre de faits constituant un frein dans la mission qui est la leur.

Dans le rapport de 2022, son Président s’interroge sous un ton d’étonnement sur l’omniprésence du fléau au plan national, la médiocrité persistante du classement du Cameroun en matière de corruption tout en se désolant du fait que « Malheureusement, au fil des ans, certains Camerounais ont considéré la lutte contre la corruption comme étant l’apanage du Chef de l’État et de quelques Institutions … » De toute évidence, ce n’est pas la non implication du citoyen lambda qui fait défaut mais plutôt le niveau d’engagement du top management du pays. Il manque ce que les anglais appellent le « full commitment » de la part des hauts dirigeants du pays. La non application de l’article 66 de la Constitution en justifie à suffisance. En effet, les plaintes des membres de la CONAC ressemblent à celles d’un enfant à qui les parents ont acheté les habits de fête mais l’empêchent de s’y rendre ! L’on s’interrogerait donc légitimement sur la véritable raison de l’achat desdits vêtements !

La CONAC souhaite également que : Le législateur mette à sa disposition une loi qui définit les infractions et les sanctions en cas d’enrichissement illicite, Etre doté d’un siège sécurisé car elle occupe en effet certains niveaux du Palais des congrès de Yaoundé, Soit octroyé à ses cadres le statut d’officiers de Police judiciaire spécialisés. Un grade qui devrait leur permettre d’avoir plus de pouvoir dans la gestion des cas de corruption sur lesquels ils se penchent. En effet, dès parution de chaque rapport annuel de la CONAC, on est convaincu de l’imminence des arrestations mais il n’en est quasiment rien. Des sommes sont souvent annoncées comme ayant été recouvrées mais leur devenir est un serpent de mer, Soit adopté un mécanisme de protection des lanceurs d’alerte, Soit déconcentré l’Institution pour la rapprocher des populations ultimes bénéficiaires de la lutte contre la corruption, Plus de pouvoir et d’indépendance lui soient accordés.

Que dit la norme ISO 37001 ou tout au moins comment l’application de cette norme par toutes les parties intéressées (Président de la République, CONAC, Contrôle Supérieur de l’État, l’Agence Nationale d’Investigation Financière, les Institutions de Régulation, la population, …) empêcherait tous ces manquements ?

Intérêt de l’application de la norme ISO 37001 dans la lutte contre la corruption au Cameroun

Cet intérêt réside dans son contenu, les preuves de sa mise en œuvre et sa capacité à apporter des réponses claires aux préoccupations actuelles de la CONAC.

1-Structure de la norme ISO 37001

Ce référentiel fait parties des normes avec une structure de haut niveau (High Level Structure) permettant qu’elle soit intégrée facilement dans tout système de management existant (qualité, environnement, santé et Sécurité au Travail, …). Elle présente 10 chapitres ou clauses dont 07 contiennent des exigences qui, une fois appliquées, permettent de réduire sinon annuler la corruption dans l’organisation. Ces chapitres sont appliqués sur le terrain suivant la logique PDCA (Plan – Do – Check – Act) soit Planifier – Réaliser – Vérifier – (Ré)Agir :

Contexte de l’organisme : c’est la détermination des enjeux (forces, faiblesses, opportunités et menaces), la vision, les missions, les valeurs, les parties intéressées pertinentes ainsi que leurs besoins et attentes, l’armature du système de management de la lutte anti-corruption. C’est ici que les processus de fonctionnement de la structure.

Leadership : c’est ici qu’il est demandé au top management de s’impliquer véritablement. C’est ici qu’est demandé à la Présidence de la République de s’impliquer davantage notamment par la création d’un seul organisme Chef de fil de la Lutte contre la Corruption ; ainsi, les autres organismes ne seront que sous sa coupe. La mission de la CONAC qui est juste de « contribuer » à la lutte contre la Corruption devra être revue à la hausse. En cas de besoin, le nom CONAC peut aussi être modifié suivant l’organisation de la vision voulue par le Chef de l’État. Ceci impliquera de créer ou compléter tout en appliquant le cadre juridique y afférent qui donnera aussi plus d’indépendance et d’indépendance. La politique ainsi que l’attribution des rôles et responsabilités se définissent ici.

Planification : C’est l’établissement d’un plan d’action incluant toutes les activités, les responsables, les délais, … relativement à la satisfaction de toutes les parties intéressées, l’ensemble des risques et opportunités, …

Soutien : il s’agit de l’ensemble des ressources dont a besoin la CONAC pour atteindre ses objectifs y compris le siège sécurisé, les mécanismes de protection des lanceurs d’alerte, les services déconcentrés, les compétences y compris l’octroi éventuel du statut d’officiers de Police Judiciaire, …

Fonctionnement : c’est la mise en œuvre des actions planifiées ainsi que l’utilisation des procédures, des indicateurs, … Évaluation des performances : c’est la vérification de l’atteinte des objectifs, de la réalisation des tâches opérationnelles, de la performance des processus sur la base des indicateurs et des éléments de sortie.

Amélioration : il s’agit de la mise en œuvre des actions correctives qui pour certains proviennent des « Revues de Direction » présidées par le Président de la République. 2- Mise en place d’un système de management de la lutte anti-corruption

Ces étapes sont les suivantes : Les étapes sont les suivantes :

a) Diagnostic initial Il s’agit de s’interroger sur le niveau de corruption par la vérification du niveau au temps « To » de la conformité aux exigences de ISO 37001. C’est une évaluation qui peut nécessiter sous d’autres cieux les états généraux.

b) Lancement de la mise en place du système de management de la lutte anti-corruption C’est ici que s’élabore le plan d’actions sur la mise en œuvre du Système et le calendrier du projet ainsi que la nomination des personnelles clés sur la base de la compétence et de la probité morale. Ceci peut être au cours d’une cérémonie du « Quick-Off de la CONAC 2.0 ».

c) 3-Mise en place du SMAC Ici se déroulent la mise en place des actions recommandées lors du diagnostic, l’élaboration des documents écrits nécessaire à la gestion du système, l’élaboration du manuel Anti-corruption et l’application du système par la diffusion de la Documentation.

d) Gestion du SMAC Il s’agit de la maîtrise des activités opérationnelles incluant : – La diligence envers les catégories spécifiques de transactions, projets ou Activités, de partenaires commerciaux ou de personnel ; – Les moyens de contrôles financiers ; – Les moyens de contrôle non financiers (approvisionnement, opérations, vente, commercial) ; – Le mise en œuvre de moyens de contrôle anti-corruption par les entités Sur lesquelles l’organisme exerce un contrôle et par les partenaires Commerciaux; – Les engagements anti-corruption des partenaires commerciaux ; – L’enquête et gestion de la corruption ; La gestion de l’inadéquation des moyens de contrôle anti-corruption.

e) Formation/mise en œuvre de l’audit interne à la CONAC Il convient ici de choisir et de former le profil des auditeurs Anti-corruption internes, d’élaboration du planning et la mise en place d’audits Quelques éléments à prévoir/mette en place pour la lutte anti-corruption : Le domaine d’application et les limites du périmètre du SMA ; L’organe de gouvernance ; La politique anti-corruption ; La fonction de conformité anti-corruption ; L’évaluation des risques de corruption et des moyens de contrôles (financiers & non-financiers) ; Les objectifs anti-corruption et les plans d’action ; Des procédures relatives à l’emploi, préconisant des dispositions anti-corruption ; Un programme de formation aux mécanismes anti-corruption ; Les moyens de contrôle financiers et non-financiers ; Des informations documentées ; Les procédures Conçues pour prévenir l’offre, la mise à disposition ou L’acceptation de cadeaux, de marques d’hospitalité, de dons et d’avantages similaires.

ISO 37001 dans son ensemble est le référentiel de toute organisation normalisée qui se souhaite véritablement mette la corruption hors d’état de nuire. La société meilleure que souhaite construire le Cameroun avec en corollaire l’émergence ne peut être possible qu’en faisant asseoir un mode de gouvernance dénoué de ces irrégularités qui dénigrent aussi bien les dirigeants que le pays entier !

Le Cameroun que nous voulons tous ne sont forcément pas parfait mais est vivable et viable. Il sera plus agréable lorsque l’égalité des chances sera une réalité quand il s’agit des processus passant par les services publics.

Dr MOUELEU Pierre, Consultant en QHSE, Sécurité Routière et Performance Opérationnelle, Spécialiste de la Qualité dans l’Enseignement, Membre du GT 56 de l’ANOR

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